La scène du théâtre d'Ezzahra a vibré, avant-hier soir, sous les rythmes spirituels du spectacle de Sami Lajmi « Ziara ». Une gamme de danseurs, de chanteurs et de comédiens, a tenté de reconstituer les fêtes confrériques de Sidi Ben Aissa et d'autres marabouts, à travers une vision artistique d'un patrimoine spirituel qui est encore en vigueur dans certaines régions de la Tunisie. Entre l'authenticité rituelle et l'expression artistique, le spectacle se veut un moment de réactualisation des rituels tunisiens des aïeux et des bisaïeux. Une approche musicologique qui met à l'unisson des expressions artistiques traditionnelles et modernes. Le maestro a géré un bon nombre d'acteurs dans ce spectacle. Il ne s'agit pas uniquement de chant de dhekr mais aussi d'intersections chorégraphiques et de brefs moments de théâtralisation. Les chants sont interprétés par des voix masculines fortes et profondes, intensifiées par les sons des « bendirs », instrument par excellence spirituel. Le public a été impressionné par la qualité du spectacle qui présentait une approche bien harmonieuse entre l'expression musicale, le langage corporel, le choix des couleurs vestimentaires et des drapeaux. La dimension spectaculaire est fort présente à travers la théâtralisation des moments de transes. Malgré le caractère artificiel et la distanciation du spectacle qui n'est qu'une transposition artistique des fêtes confrériques, l'authenticité trouve sa place. Ceci a été ressenti lorsqu' une spectatrice a réagi authentiquement avec la musique, elle était emportée par une force émotionnelle à tel point qu'elle a accédé à la transe, à l'ultime moment du « nirvana ». Ceci témoigne bel et bien de la forte présence du sacré dans la représentation artistique, et interpelle ce que Wassily Kandinsky appelle par « la nécessité intérieure », cette nécessité qui va droit à l'âme et se traduit par une quelconque expression corporelle. Le théâtre était complet, ceci prouvait aussi l'engouement des Tunisiens pour ce genre de musique qui fait raviver la mémoire collective, de ce patrimoine immatériel, et aussi la mémoire affective en suscitant les réminiscences du temps passé et le culte de la recherche du temps perdu.