Il est vrai que les négociations entre l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) n'ont jamais été paisibles. Depuis le 14 janvier, ces négociations, qui ont tendance à devenir musclées, sont devenues sujettes de l'attention du grand public qui ne rate aucune miette de leurs dessous. Les négociations de cette année ne risquent pas de déroger à la règle et comptent, bien au contraire, la confirmer et la maintenir. L'organisation patronale a annoncé, jeudi, que son siège a subi une agression de la part d'un groupe d'individus conduit par la secrétaire générale de la Fédération générale des métiers et services relevant de l'UGTT, Hayet Trabelsi. Dans un communiqué publié quelques heures après les faits, l'UTICA a expliqué que les individus ont envahi le hall du siège de l'organisation où ils ont observé un sit-in après avoir agressé les gardiens. Une agression barbare grave selon l'UTICA qui a annoncé avoir pris les dispositions nécessaires afin de porter plainte contre les agresseurs. Cet incident est survenu le jour de la grève générale décidée par la Fédération générale des métiers et services pour exiger la signature d'un accord complémentaire d'une convention sectorielle, dont la Chambre nationale des établissements de gardiennage s'est retirée depuis le 30 septembre 2015. Alors que, selon la Fédération, 6000 agents de sécurité devaient prendre part à cette protestation, la grève s'est achevée avec cette effraction qui vient envenimer l'atmosphère déjà tendue entre les deux organisations. La veille de l'incident, la présidente de l'UTICA a déclaré qu'une réunion se tiendra bientôt entre son organisation, la centrale syndicale et la présidence du gouvernement afin de mettre fin aux conflits qui l'opposent à l'UGTT. Une déclaration à laquelle a violement réagi le secrétaire-général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, qui a affirmé que la centrale ouvrière n'assistera pas à une pareille réunion tout en appelant les dirigeants de l'UTICA à se contenter d'honorer leurs engagements et à signer les conventions sans aucune discussion. Un ton houleux de la part de Taboubi qui cherche clairement à arracher une légitimité qui lui est nécessaire au début de son mandat. Un mandat qui survient après celui de Houcine Abassi, qui a quitté le secrétariat général de l'une des plus importantes organisations du pays avec en son actif le prix Nobel de la paix de 2015. Aujourd'hui, Tabboubi doit rassurer ses adhérents sur sa capacité à bien mener les négociations et il n'a pas l'air de beaucoup tenir aux manières de présenter les choses ; son discours plutôt cru et direct risque de compliquer la situation. Or, si l'UGTT et l'UTICA venaient à entrer dans un conflit direct, cela provoquerait une crise pour le gouvernement de Youssef Chahed qui s'apprête à affronter l'un de ses plus grands défis. Le projet de la loi des Finances de 2018 (PLF) est déjà objet de sévères critiques et deux des principaux signataires du pacte de Carthage qui se chamaillent n'arrangera rien à la situation. Un PLF 2018 dont l'examen en Conseil ministériel vient d'être reporté pour le mercredi prochain et dont le dépôt officiel auprès de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) doit absolument avoir lieu avant le 15 du mois courant. Si Youssef Chahed appréhende la réaction de la centrale syndicale quant à toute augmentation (inévitable selon certains) au niveau des charges des salariés, ses inquiétudes redoubleront avec le désaccord entre l'UTICA et l'UGTT d'autant plus qu'il sera certainement sollicité pour jouer l'intermédiaire. Ces querelles entre les ouvriers et patrons surviennent à un moment critique où tout le pays attend impatiemment de voir comment va évaluer la situation avec ce PLF polémique.