Neuf partis politiques et trois organisations nationales ont signé, en juillet dernier, le document qui a permis au gouvernement d'union nationale, présidé par Youssef Chahed, de voir le jour et d'obtenir, un mois plus tard, la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Depuis, le Mouvement projet pour la Tunisie (Al Machroû) et l'Union patriotique libre (UPL) ont annoncé leur retrait dudit Pacte à cause de quelques initiatives entreprises par le gouvernement estimées comme étant inadéquates à l'accord initial. Ce retrait n'a pas trop dérangé les membres du gouvernement qui ont estimé que les deux partis suscités sont, tout d'abord, libres de leur choix et qu'ensuite, ils ne peuvent représenter que leur réel poids et que, de ce fait, la notion de l'union nationale ne peut pas dépendre d'eux. Toutefois, le réel problème existe aujourd'hui du côté des deux mouvements majoritaires, à savoir Ennahdha et Nidaa Tounes, qui, le premier, vit des petites guerres internes qu'on essaie d'étouffer au maximum et le deuxième, eh ben, le deuxième, il vaut mieux ne pas trop s'attarder sur son cas. Mais ce que vivent les partis politiques peut ne pas présenter une menace réelle par rapport au Pacte de Carthage qui dispose du soutien des deux organisations phares du pays : l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA). La centrale syndicale et la centrale patronale représentent en effet une garantie pour la paix sociale ; ce qui peut beaucoup aider le gouvernement qui s'apprête à se lancer dans quelques réformes dites douloureuses. Manque de chance pour le gouvernement, ces deux organisations ne sont pas en état de soutenir qui que ce soit puisqu'elles vivent elles-mêmes des difficultés sans précédents. Cela a commencé avec l'UGTT et le problème du syndicat de l'enseignement secondaire qui ne veut plus rien entendre sauf le limogeage du ministre de l'Education nationale, Néji Jalloul. Face au maintien de la grève générale ouverte jusqu'au limogeage de Jalloul, le nouveau bureau exécutif de l'UGTT a été obligé de prendre position contre le plus important syndicat qui le constitue. A partir de ce refus, la bataille n'oppose plus le syndicat au ministre mais le même syndicat à sa centrale. Or, Noureddine Taboubi et son équipe ne sont qu'au début de leur mandat et ont besoin du soutien de tous les militants de la centrale afin de bien mener leur mission d'autant plus que, ne l'oublions pas, ils ont été élus grâce à la liste consensuelle qui n'avait pas, il y a quelques mois de cela, réussi à rassembler et à unir les voix de tous les travailleurs. Le secrétaire-général de l'UGTT va devoir bien gérer ce bras de fer pour essayer de s'en sortir sans y laisser trop de plumes. Les choses ne sont pas en meilleur état du côté de la centrale patronale dont la présidente, Wided Bouchamaoui, est en train de ramasser les pots cassés causés par la dernière convention relative à l'augmentation salariale dans le secteur privé qu'elle a récemment signée avec l'UGTT. Cela a commencé avec la Fédération du textile qui, au vu des difficultés que vit le secteur, a annoncé sa rupture avec l'UTICA. Une rupture expliquée par le fait que les sociétés spécialisées dans le textile sont dans l'impossibilité d'appliquer les nouvelles augmentations salariales d'autant plus que l'accord en question comprend, aussi, une clause de rappel desdites augmentations au titre de l'année 2016. La Fédération du textile a entre autres évoqué, dans un communiqué, ‘la quasi insouciance actuelle de l'UTICA devant les difficultés, les périls et les défis de l'industrie tunisienne en général et de l'industrie textile en particulier qui est devenue insupportable'. Réagissant à cela, le bureau exécutif de l'UTICA a appelé la Fédération en question à reprendre le dialogue avec les parties concernées tout en insistant sur l'importance de s'accrocher à l'Organisation. Toutefois, et selon quelques sources proches de la centrale patronale, d'autres fédérations seraient sur le point de rejoindre la fédération du textile et compteraient, elles aussi, claquer la porte et quitter l'UTICA. Si l'UGTT et l'UTICA sombreraient dans leur crise interne, et contrairement à ce que peuvent penser certains, le pacte de Carthage ainsi que tout le pays pourraient entrer dans une phase très difficile qui ne ferait qu'aggraver ce que nous vivons déjà.