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Hakim Ben Hamouda, économiste, ancien ministre des Finances, analyse le PLF 2018: « Prédominance des dispositions au détriment des orientations »
Publié dans Le Temps le 22 - 10 - 2017

Entretien conduit par Manoubi MAROUKI et Faouzi SNOUSSI -
Nous l'avons rencontré quelques heures à peine après la diffusion, pour la première fois, du projet de loi de finances 2018 (PLF), sur le site du ministère des Finances. Une diffusion tardive précédée toutefois par une interview télévisée du président du gouvernement qui en a annoncé la couleur et rectifié ce qui devait l'être (1). En effet en l'absence d'une communication officielle à la mesure de l'événement, des informations non fondées, « fuitées » avaient semé le trouble et inquiété plus d'un. Et Youssef Chahed de répondre indirectement aux uns et aux autres. Un raisonnement par l'absurde d'un projet de loi à plusieurs inconnues ou plutôt inconnu. Tout cela à la dernière minute, constitutionnalité oblige. Donc dans la précipitation et ce pour être en conformité avec les délais impartis et la remise à temps du document à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). C'est donc dans ces conditions que le PLF a été rendu public.
Aussi notre interlocuteur a-t-il été critique vis-à-vis de cette discrétion qui a entouré la préparation du projet de budget au moment où la conjugaison des efforts de tous s'imposait en raison principalement de la situation économique dans laquelle se débat le pays. Un débat sérieux et apaisé sur la situation économique et les objectifs visés s'imposait, estime Hakim Ben Hamouda qui nous a parlé avec responsabilité tout en observant le droit de réserve.
« D'habitude, dans les projets de lois de finances, dans le monde entier, nous a-t-il précisé, on trouve cinq éléments essentiels à savoir : l'analyse par le gouvernement de la situation économique et des défis, les objectifs de la politique économique, l'état d'exécution du budget en cours, les hypothèses et les grands équilibres financiers, et enfin les dispositions ». Or, a-t-il souligné « dans le projet de loi de finances 2018, nous nous trouvons devant un texte où il n'y a que les dispositions ». Pour lui « une loi de finances n'est pas un simple exercice comptable, elle est la quintessence de la politique économique dans un pays, parce qu'elle exprime la politique sociale, les choix budgétaires du gouvernement et les choix sociaux. »
Dès lors pour notre interlocuteur, la révision du projet s'impose. Dans le but d'en faire « un document plus complet, comportant les cinq éléments précités et où les dispositions qui existent se situent dans l'annexe, alors que la grande partie du projet doit être consacrée à l'analyse de la situation économique, aux grandes priorités de la politique du gouvernement, à l'exécution du budget et aux grands équilibres financiers. »
Pour Hakim Ben Hamouda quatre défis sont à relever à savoir le retour de la croissance, le financement, la relance de l'investissement et l'accélération du rythme de développement. « Et la lecture et la malice d'un projet de loi de finances, c'est sa capacité à aider le gouvernement à relever ces défis » estime-t-il encore. En un mot pour lui ce PLF est important, mais il manque d'audace.
Les lois de finances complémentaires, les grands équilibres, la fiscalité, les incitations à l'investissement, le social, les entreprises publiques...et d'autres problématiques ont été également analysés par notre interlocuteur.
Interview
- Le Temps: Quel budget pour quelle stratégie avons-nous établi ? D'autant plus qu'il y a eu un déficit de communication favorisant nombre de fuites, de fausses informations et une confusion certaine.
Hakim Ben Hamouda : Avant cela, il faut commencer par un vrai problème de méthode dans la communication et dans la manière de la préparation de ce projet de budget. Je vais en parler, tout en observant le devoir de réserve, mais avec toute responsabilité, surtout que la situation économique du pays est aujourd'hui très compliquée.
Tout d'abord, il y a eu, au cours de la préparation du budget, un silence et une certaine discrétion qui ont accompagné toutes les négociations menées et c'est compréhensible, surtout qu'ils évitent à mettre trop de pression sur le gouvernement. Mais, en même temps, cela peut produire le fait inverse, avec des indiscrétions pouvant être fausses, et n'aidant pas, finalement, à engager un débat sérieux et apaisé sur la situation économique et les objectifs.
A ce propos, je rappelle, à titre d'exemple, que dans les pays proches, notamment la France, le ministre des Comptes publics a tenu une conférence, il y a trois semaines, pour annoncer les grandes orientations de la loi de finances et du budget de l'Etat, pour l'année 2018, ce qui a produit un vrai débat sur les grands choix de politique économique qui ont été présentés d'une manière claire. L'important est d'avoir un débat serein et une envie d'agir d'une manière constructive, en vue d'aider le gouvernement à sortir de cette situation difficile.
Je vais aller plus loin. On constate qu'au niveau de la réforme, il y a eu un conseil des ministres pour formaliser le projet, alors que la loi de finances n'a été rendue publique que quatre jours après.
Pourtant, dans les anciennes traditions tunisiennes, le ministre des Finances tient une conférence de presse et rend public le projet. Mais ce qui s'est passé, c'est que le ministre a fait une intervention, sans qu'on ait le texte qui est composé de plus de 230 pages. C'est un texte qui a été préparé par les gens de la finance et dans lequel il n'y a aucune logique économique.
D'habitude, dans les projets de lois de finances, dans le monde entier, on trouve cinq éléments essentiels dont le premier est l'analyse par le gouvernement de la situation économique et des défis, et cela constitue un préalable essentiel. Le deuxième élément est composé par les objectifs de la politique économique et, dans le projet de loi de finances pour l'année 2018, il y a six objectifs écrits d'une manière succincte et sans développement.
Le troisième élément est l'état d'exécution du budget en cours, alors que le quatrième concerne les hypothèses et les grands équilibres financiers, et le cinquième est constitué par les dispositions. Ces dispositions sont là comme étant une réponse à une situation économique et dont les résultats sont dans les grands équilibres financiers.
Mais dans le projet de loi de finances 2018, nous nous trouvons devant un texte où il n'y a que les dispositions.
Ainsi, en dépit des affirmations du chef du gouvernement et du ministre des Finances, une loi de finances n'est pas un simple exercice comptable, elle est la quintessence de la politique économique dans un pays, parce qu'elle exprime la politique sociale, les choix budgétaires du gouvernement et les choix sociaux.
Ces orientations n'existent pas dans ce projet qui est, malheureusement, l'expression comptable d'un certain nombre de dispositions dont on ne connait pas, dans le document, l'impact financier.
Bien évidemment, nous connaissons qu'il y a un programme économique 2017/2020, dans lequel il y a une partie de l'information, mais l'intérêt de la loi de finances est qu'elle doit regrouper toutes les informations nécessaires et, malheureusement, les éléments les plus importants ne sont pas dans le projet de loi de finances 2018. Ils sont dans l'allocution télévisée du chef du gouvernement et dans la conférence de presse du ministre des Finances donnée le lendemain.
Par conséquent, nous disposons d'un document qui ne va pas faciliter le débat sur les grandes priorités du moment. Donc, le gouvernement a respecté les délais constitutionnels, mais je pense qu'on a besoin d'un document supplémentaire, ou de la révision du projet pour en faire un document plus complet, comportant les cinq éléments précités et où les dispositions qui existent se situent dans l'annexe, alors que la grande partie du projet doit être consacrée à l'analyse de la situation économique, aux grandes priorités de la politique du gouvernement, à l'exécution du budget et aux grands équilibres financiers.
Ces documents existent, mais ils sont éparpillés et il est important, au niveau de la méthode d'avoir un document complet de la loi de finances, précis et net, qui permet la discussion, parce qu'on ne peut débattre d'un projet de loi de finances dans lequel il n'y a que les dispositions.
- On parle déjà d'objectifs ambitieux, mais quelles sont les chances de succès de ces objectifs ?
- On ne peut lire et analyser une loi de finances, dans le contexte économique tunisien, que dans sa capacité à répondre à une équation à plusieurs défis.
En premier lieu, il est à rappeler que le pays a réalisé, au premier trimestre de l'année 2017, un léger frémissement au niveau des performances économiques. Malheureusement, cela ne s'est pas confirmé au deuxième trimestre et qui, semble-t-il, va revenir sur la base des résultats publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT), durant le troisième trimestre. Par conséquent, il fallait réfléchir sur la manière à dépasser ce frémissement qui représente un retour à la croissance.
Les trois autres défis sont le financement, la relance de l'investissement et l'accélération du rythme de développement, et la lecture et la malice d'un projet de loi de finances, c'est sa capacité à aider le gouvernement à relever ces défis.
Concernant les équilibres financiers, nous avons un déficit budgétaire qui ne cesse de grandir. Au même moment on enregistre une hausse du budget qui sera de 35, 851 milliards de dinars, contre 32, 400 milliards de dinars en 2017. On veut donc réduire en 2018 ce déficit à 4,9, alors qu'il est, au mois de juillet passé à 5,4 % et on risque d'arriver à 6 % d'ici la fin de l'année. Et cela risque de nécessiter une loi complémentaire.
-Ce phénomène des lois de finances complémentaires est devenu une tradition. Qu'en pensez-vous ?
Elles sont devenues une tradition et, précédemment, un ministre a indiqué, d'une manière maladroite qu'une décision va être incluse dans une loi de finances complémentaire.
Je tiens à rappeler que ces lois de finances complémentaires ont un caractère exceptionnel lié à deux éléments importants qui sont le changement d'un gouvernement, sur la base de promesses électorales, ce qui permet au gouvernement de faire une loi de finances complémentaire. Cela avait été le cas, en Tunisie, en 2012, après le gouvernement de Béji Caïd Essebsi, mais il faut que cette nouvelle loi complémentaire vienne assez tôt dans l'année, pour avoir un effet financier.
La deuxième possibilité pour agir de la sorte concerne des situations de grave crise, notamment une guerre. A noter, aussi, que même les pays qui ont fait face à une grave crise naturelle n'ont pas eu recours à une loi de finances complémentaire, parce qu'ils estiment qu'ils peuvent trouver dans les budgets les moyens de faire face à ces situations.
Cela prouve, par conséquent, que les lois de finances en Tunisie ne sont pas préparées avec la rigueur nécessaire, parce que la loi de finances doit mobiliser tous les responsables de l'administration. Il est donc important d'introduire une dose de rigueur dans la préparation et de revenir à ce qui est normal, avec une loi finances sans loi de finances complémentaire.
- Qu'en est-il des grands équilibres ?
C'est un grand problème, parce que faire des hypothèses très peu réalistes pour se retrouver aux troisième et quatrième trimestres, avec une loi de finances complémentaire ne peut être qu'une mauvaise presse au niveau international et auprès des institutions financières internationales.
Au niveau des finances publiques on peut adopter deux démarches pour faire face à la crise. La première est la méthode législative à travers l'instauration de nouvelles taxes ou l'augmentation de celles existantes. L'autre démarche met plus l'accent sur le contrôle et la collecte. Malheureusement, c'est la première qui a prévalu, depuis 2011. Une solution de facilité qui a montré ses limites sur trois aspects :
Le premier est qu'il y a une lassitude et une fatigue des contribuables, citoyens et entreprises, qui en ont assez des nouvelles taxes qui vont avoir des effets négatifs sur les entreprises et touchent le pouvoir d'achat du citoyen.
Le deuxième est ce que j'appelle l'existence d'une forêt tropicale de textes législatifs qui produisent un éparpillement énorme de ceux qui sont en charge de la collecte qui ne savent plus où donner de la tête, alors qu'ils ne sont pas nombreux.
Le troisième aspect est qu'on instaure des taxes qu'on est incapable d'appliquer. A titre d'exemple, je peux citer la taxe sur la résidence secondaire instaurée en 2014 et qui revient pour 2018, alors qu'on n'a pas de cadastre et qu'on ne sait pas qui dispose d'une résidence secondaire. D'autres exemples peuvent être cités, notamment la levée du secret bancaire, depuis 2014, alors que tout un débat s'est instauré en 2017.
Il est donc nécessaire de faire le tri et le nettoyage et de se concentrer, dans une première étape, sur les textes qui ont un grand rendement et un apport financier, parce que le vrai problème est que, parfois, il y a une grande dispersion concernant ces taxes qui ont, plutôt, un caractère politique.
Au troisième volet, les efforts doivent être concentrés sur la collecte et le contrôle, là où il y a beaucoup de fuites, surtout que l'on parle de créances non recouvrées de 8 milliards de dinars. Certes, elles ne sont pas toutes récupérables, mais il est possible d'en recouvrer, selon les statistiques du ministère des Finances, entre 30 et 40%, ce qui fait, quand même entre 2 et 3 milliards de dinars.
En parallèle, il est possible d'imposer un certain nombre de règles, notamment l'interdiction des paiements en liquide des grosses sommes. Cela n'est pas facile à faire et cela nécessite une prise de risques très importante, parce qu'on n'est pas assuré de récolter beaucoup d'argent, au départ, mais il est nécessaire d'avoir l'audace de changer d'optique.
D'ailleurs, le fait d'avoir mis l'accent sur la collecte, en 2017, a permis d'avoir une augmentation assez consistante des recettes fiscales. Il y a, encore, un problème d'évasion, mais, avec un peu de courage, on peut y remédier.
- Pensez-vous que la révision du système forfaitaire peut donner des résultats ?
Nous devenons, des fois, amnésiques. Il est à rappeler que la révision du système forfaitaire était une revendication importante et le premier effort avait été fait en 2014, par le gouvernement d'Ali Larayedh et que cette décision avait été votée, la même année. Seulement, son application a fait face à beaucoup de difficultés, surtout de la part de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), avec laquelle j'ai mené les négociations. Nous avons convenus de la mettre en application, à partir de 2015, avec trois années de grâce.
Pourquoi, donc, la mettre, aujourd'hui, dans la loi de finances, alors qu'il aurait suffi de mettre en place les décrets d'application ? Cela ne fera que susciter de nouvelles controverses, alors que la loi avait été votée.
Le deuxième volet concerne la collecte, avec l'élargissement de l'assiette, surtout avec une comptabilité simplifiée, d'autant plus que ceux qui sont, actuellement, dans le régime forfaitaire n'ont pas les moyens d'avoir une comptabilité sophistiquée, tout en sachant que le grand problème se situe au niveau de la maitrise des dépenses et, surtout, du retour à la croissance.
- La Tunisie compte beaucoup sur l'investissement. La loi de finances offre-t-elle les incitations suffisantes ?
Un certain nombre de mesures et d'incitations a été instauré, notamment pour les régions, avec la possibilité de bénéficier du non-paiement des impôts pour les trois premières années. Toutefois, on doit se rappeler que, depuis 2011, les lois de finances comprenaient des incitations fiscales pour les investissements, mais cela n'avait pas permis aux investisseurs d‘oser investir, parce qu'il y a un environnement qui n'est pas adapté.
Donc, aussi importantes qu'elles soient, ces incitations fiscales ne sont pas suffisantes pour faire démarrer les investissements et c'est pourquoi ces dispositions doivent s'inscrire dans un cadre plus large qui est l'amélioration de l'environnement fiscal et celui de l'entreprise.
L'une des grandes revendications de l'UTICA est l'existence d'un guichet unique, à l'image de beaucoup d'autres pays où on accélère le maximum possible l'obtention de l'agrément.
C'est donc le contexte institutionnel qui doit être revu, pour accélérer les démarches administratives et afin que l'investisseur ne se trouve pas dans la nécessité de revenir à maintes reprises, avec les risques qu'il peut encourir et les pertes que cela peut lui occasionner.
Aujourd'hui, les démarches administratives très tortueuses sont un obstacle à l'investissement et il est nécessaire de trouver les moyens de simplifier les procédures.
Le troisième aspect concerne les réformes économiques où il y a un degré de maturation et de remise en cause. Aujourd'hui, le départ anticipé à la retraite n'est plus rejeté et c'est l'une des réformes dans lesquelles on doit avoir plus d'audace pour accélérer le mouvement en mettant plus de moyens et en plaçant plus d'ambition.
Les équilibres financiers sont étroitement liés à l'exécution des réformes et sans elles, à titre d'exemple, les caisses sociales auront besoin, en 2018, de 1,8 milliard de dinars d'injection, alors que le projet de loi de finances n'a projeté que 200 millions de dinars.
L'impératif est, donc, de signer assez vite un accord avec les partenaires sociaux, pour arriver à appliquer ce projet de loi de finances, au plus tard, à la fin du premier trimestre de l'année prochaine, et tout retard pèsera de tout son poids sur les équilibres financiers.
En somme, ce projet de loi de finances est quand même important, surtout qu'on y a cherché à maitriser la situation, sans avoir toutefois l'audace qu'on aurait souhaitée. Reste que cette loi est essentielle, surtout que l'année 2018 doit être la confirmation de la croissance enregistrée, au premier trimestre 2017.
- Pour réussir, le PLF doit faire l'unanimité et bénéficier de l'adhésion de toutes les parties. Mais, aujourd'hui, il y a l'UTICA qui a présenté ses 16 points concernant les réformes et l'UGTT qui parle de lignes rouges, en plus de certains signataires du Document de Carthage qui ne sont pas d'accord sur certains points. N'y a-t-il pas un risque d'achoppement ?
-Ce qui est certain, c'est qu'il y avait eu des discussions et des négociations concernant le projet de loi de finances et cela est nécessaire dans un gouvernement d'union nationale et c'est au gouvernement de les unir autour des grands choix et des grandes orientations.
Toutefois, je pense que le gouvernement n'est pas là pour mettre en place une espèce de synthèse, parce que c'est à lui de prendre ses responsabilités, en fin de compte.
- Estimez-vous que le gouvernement a eu le courage de présenter la situation comme elle l'est d'une manière claire et complète, afin de ne pas avoir de surprises ?
Tout le monde et, surtout, les experts connaissent la situation des finances publiques, avec la publication régulière des rapports de la BCT et ceux de l'exécution du budget par le ministère des Finances.
Le vrai problème, aujourd'hui, est dans l'audace des réponses et des choix à mettre en place.
- A-t-on pris en considération les risques possibles sur le plan social, surtout que la situation est très tendue et les revendications fusent de partout ?
Il y a certaines mesures qui ont été prises à ce niveau, notamment concernant le premier logement. 2018 est une année charnière et la réussir peut ouvrir de nouvelles perspectives. En revanche s'il y aura de grandes difficultés, au cours de cette année, cela va être plus compliqué, dans l'avenir, pour la transition économique.
- La question des entreprises publiques déficitaires continue à alimenter la polémique, concernant leur privatisation. Quelle sera la solution, surtout que cela a été omis dans le projet de loi de finances ?
Il y a quatre entreprises publiques d'envergure qui ont été mises en observation et qui sont en train de mettre en place des plans stratégiques de restructuration, et ce en accord avec les institutions financières internationales.
Je pense qu'on aurait pu aller plus loin avec les autres entreprises, non seulement, en les mettant en observation, mais aussi en exigeant la même chose pour au moins dix autres entreprises publiques qui puisent dans les caisses de l'Etat.
Toutefois, il ne suffit pas de mettre en place des plans de restructuration, le plus important est de les réussir.
- Le commerce parallèle continue à être un fléau avec, selon certaines estimations un taux de 60 % de l'économie nationale. Comment peut-on l'intégrer dans le circuit légal ?
Les deux solutions possibles sont la répression et la régularisation. Pour la première, il est nécessaire de mobiliser les forces de la douane et les services sécuritaires qui doivent être plus vigilants. Dans l'autre volet, on peut penser à sensibiliser et à inciter à la régularisation des situations et le remplacement du régime forfaitaire peut offrir une occasion pour s'intégrer et pour être en règle avec les services fiscaux.


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