L'Assemblée des représentants du peuple (ARP) poursuit ses travaux relatifs au projet de loi de Finance 2018. Dans la soirée du jeudi 8 décembre, les députés ont voté l'article 36 du PLF 2018 portant sur l'augmentation des tarifs douaniers des produits importés de la Turquie avec 94 voix. Un vote qui mérite d'être souligné puisqu'il s'est fait, pour la première fois depuis l'avènement de cette nouvelle assemblée, sans les voix des députés du bloc parlementaire du mouvement Ennahdha. En effet, les élus islamistes ont émis leur véto quant à cet article estimant qu'il représente une violation de la convention de libre-échange qui existe entre la Tunisie et la Turquie. S'opposant donc violemment au texte, les députés concernés ont prétexté le fait que le premier vice-président du Parlement, Abdelfattah Mourou, n'ait pas accordé la parole à leur président de bloc, Noureddine Bhiri, et se sont retirés de la séance plénière en signe de boycott. Malgré leur retrait, les deux propositions d'amendement sont quand-même passées au vote ; la première proposition était un amendement – présenté par cinq députés qui sont Emna Ben Hamida, Hédi Ben Brahem, Slim Besbes, Basma Jebali et Yamina Zoghlami – portant sur une baisse de l'imposition douanière exigée sur les produits turcs de 90 à 30%. Ayant été rejeté, cet amendement a été remplacé par un autre – présenté par Mohamed Frikha, Houcine Yahyaoui, Oussama Essegheir, Moez Ben R'houma, Hédi Soula, Leila Oueslati et Néji Jmal – qui proposait une réduction des tarifs en question à 20% au lieu des 90%. Les deux amendements ont été refusés avec 91 des voix. Au-delà de son importance économique pour un pays dont la balance commerciale souffre le martyr, ce vote a des significations politiques des plus importantes ; une validation d'un article de loi passe sans que les députés Nahdhaouis y consentent veut dire, tout d'abord, que cette règle qui stipule que tout projet de loi doit tout d'abord répondre aux critères du consensus avant d'être exposé au vote n'a plus lieu d'être. En effet, et depuis l'alliance entre Ennahdha et Nidaa Tounes, la démocratie parlementaire a été sacrifiée au profit du consensus parlementaire. Avec le vote de l'article 36 du PLF 2018, et même si cet article ne requiert pas la majorité absolue comme cela est le cas pour d'autres projets de loi, un message est devenu clair aujourd'hui ; avec une bonne volonté et une meilleure stratégie politique, les forces démocratiques du pays peuvent imposer leur vision des choses et assumer correctement la charge qui leur a été confiée en 2014. Par ailleurs, ce vote veut aussi dire que, s'ils le souhaitent réellement, les élus qui sont vraiment inquiets du sort du pays ont désormais la possibilité de mieux soutenir le gouvernement, quand ce dernier est sur la bonne voie, en contrant toutes ces tentatives qui visent à servir les petits intérêts politicards et personnels. Des intérêts qui dominent malheureusement le paysage politique ; la récente mésaventure du président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel, qui voulait, avec l'aide de son directeur exécutif, Hafedh Caïd Essebsi, nommé le fils d'un député au poste d'un délégué régional sans se soucier si le concerné répondait à un minimum de critères exigés pour un poste pareil. Aujourd'hui et plus que jamais, la Tunisie se trouve réellement au bord du gouffre et il ne serait pas de refus pour nous de voir des politiciens dépasser leurs discours patriotiques de langue de bois et passer aux vrais actes en accélérant les travaux et en permettant à ceux qui ont de vraies qualifications de continuer à travailler pour nous sortir de la crise.