La loi de Finances 2018 a été votée hier, dans la soirée du samedi 9 décembre 2017, vers 22h20. Le projet, bien que très critiqué, a été adopté avec 134 voix pour, 21 contre et 12 abstentions. Les risques de voir les élus du parti de Rached Ghannouchi voter contre le PLF, se sont dissipés aux dernières minutes et les députés islamistes ont finalement voté pour le projet final. Plusieurs dispositions, votées hier, suscitent pourtant une vive polémique. Parmi les 9 articles passés au vote, figure une modification proposée par les élus islamistes consistant à augmenter l'impôt sur certaines sociétés qui passera de 25 à 35%. L'article 53 du projet de loi de finances a été modifié samedi et sa modification a été votée à 95 voix pour, 39 voix contre et 6 abstentions. Ce changement touchera les sociétés travaillant avec des contrats de franchise et dont le taux d'intégration est en dessous de 30% mais aussi les concessionnaires automobiles et les grandes surfaces. Une modification qui a suscité l'indignation auprès de nombreux concessionnaires automobiles qui y ont vu une mise en péril directe de leur activité.
Plusieurs observateurs voient, en effet, dans le PLF 2018 une hausse de la pression fiscale pesant contre les entreprises et les citoyens. La présidente du parti Destourien (PDL) Abir Moussi, s'est exprimée sur Mosaïque Fm, hier soir, afin de critiquer la version votée de la loi. « Cette loi ne fera qu'alourdir les charges du citoyen tunisien. Trop d'impôt tue l'impôt ! », a-t-elle dit ajoutant que la LF 2018 « ne fera qu'encourager l'évasion fiscale et les impôts collectés ne seront pas investis dans la croissance mais dans le paiement des dettes ».
D'autres articles supplémentaires ont également été adoptés au vote. Les élus ont adopté l'article 55 proposé par Ennahdha qui consiste à augmenter les déductions au titre des frais familiaux.
Un autre article qui est passé au vote, a été proposé par le ministère des Finances. Il stipule la simplification des conditions d'octroi des avantages fiscaux au titre du réinvestissement des revenus et bénéfices dans la souscription au capital des sociétés.
Les députés ont également adopté un autre article proposé par le ministère des finances, concernant la maitrise du tissu fiscal, le renforcement de la conformité fiscale et l'amélioration du recouvrement et stipulant la création d'une instance générale de fiscalité, de comptabilité publique et de recouvrement pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
Un autre article a été ajouté concernant l'annulation de la taxe de préservation de l'environnement sur les sacs plastiques biodégradables et leurs intrants.
Les députés ont aussi voté en faveur de l'élargissement du champ d'application de la TVA.
Les députés ont également approuvé l'amendement de l'article 58 de la loi de Finances 2018 proposé par le ministère des Finances.
Les élus réunis en plénière ont, par ailleurs, rejeté un article qui a fait jaser les élus du Front Populaire à l'origine de cette proposition. L'article 11 relatif à la création d'un fonds dédié à la lutte contre la pauvreté, le soutien au développement, à la santé, à l'emploi et à la création des projets de développement dans les régions, outre l'intervention au profit des catégories sociales vulnérables, le soutien des enfants à besoins spécifiques et la lutte contre les maladies virales, a été rejeté au vote.
Même si elle a fini par être votée, cette loi continue pourtant de diviser. Les élus Afek Tounes ont voté moitié pour, moitié abstenions. En effet, malgré les recommandations du président du parti Yassine Brahim de voter pour la LF 2018, la moitié des élus a décidé de ne pas donner sa voix et de s'abstenir de voter en signe de protestation contre certains articles jugés « catastrophiques » et « calamiteux » pour les entreprises et les citoyens tunisiens.
D'autres blocs, en revanche, ont souhaité marquer leur solidarité avec le gouvernement Chahed en saluant le vote de cette loi. Tel est le cas du bloc d'Al Horra relevant du parti de Mohsen Marzouk (le MPT). Ce dernier a écrit sur sa page Facebook : « Nous avons décidé de voter en faveur du PLF 2018, même si le débat houleux s'est poursuivi jusqu'à la dernière minute. Compte tenu du sérieux des arguments et positions, le bloc a donné à ses députés la liberté de voter. Il n'y a eu aucun changement stratégique quant à notre position vis-à-vis du gouvernement Chahed ».
Lors des votes, le débat a été houleux jusqu'au bout. Les élus d'Ennahdha ont manifesté leur mécontentement lors des votes du vendredi 8 décembre. Les votes ont été suspendus pendant presque 2 heures à cause d'un désaccord sur l'article 36 concernant les droits de douane sur les produits importés de Turquie. Dans cet article, soutenu par des députés de Afek Tounes, Machrou Tounes (MPT) et certains députés de Nidaa Tounes et du Front Populaire, les produits turcs mentionnés sur la liste bilatérale rattachée à l'accord de libre-échange entre la Tunisie et la Turquie, est soumise à des droits douaniers de l'ordre de 90% des taux appliqués. Une disposition qui a déplu aux élus Ennahdha dont les ajustements proposés à cet article ont été rejetés au vote. Ils ont ainsi décidé de se retirer de la séance plénière. Les députés réunis ont adopté l'article 36 avec 94 voix pour. L'article 36 énonce ce qui suit : "les produits d'origine turque, se trouvant dans la classification douanière de la liste 2 de l'accord de libre-échange, sous les numéros, 33, 34,40, 48, 61,62, 63, 64, 72, 76, 84 et 85, sont soumis aux droits de douane dans la limite de 90% des droits communs".