Joignant sa voix à celles de plusieurs autres organisations de la société civile, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDS) a estimé, hier, que les réactions du gouvernement envers les dernières manifestations générales à caractère social contre les répercussions négatives de la loi de finances 2018 sur le pouvoir d'achat n'ont pas été au niveau de l'événement. Lors d'un point de presse au cours duquel ont été présentés les rapports du FTDS sur les mouvements sociaux au cours des trois derniers mois, le président du Forum, Messaoud Romdhani et le président de l'observatoire social tunisien qui en relèvent, Abdessattar Sahbani, ont affirmé qu'à l'instar des autres organisations nationales et non gouvernementales, le FTDS s'oppose aux évaluations et qualifications réductrices de ces dernières manifestations à caractère social, de janvier 2018, présentés par les responsables comme étant des mouvements provoqués intentionnellement par des parties hostiles au gouvernement, sous couvert de revendications sociales. « Il y avait eu sous estimations avant et au cours des évènements, en qualifiant les participants de casseurs et de voleurs et en accusant des parties occultes, et sans preuves, d'être derrière ces mouvements qui expriment au contraire un mécontentement populaire réel face aux orientations économiques impopulaires du gouvernement, a dit Messaoud Romdhani. Pour sa part, Abdessattar Sahbani a fait remarquer qu'il s'agit du même discours que celui de l'ancien régime. Tous deux ont déploré également les arrestations massives de manifestants, notant que les solutions sécuritaires ne règlent rien et qu'il faut écouter les manifestants et le peuple, car, tant que les causes réelles ne sont pas résolues, soit la garantie de tous les attributs de la dignité et l'égalité sociale pour tous, à travers la réalisation d'un développement intégral du pays, le potentiel contestataire ira en augmentant. Ils ont évoqué les avertissements répétés des organisations de la société civile concernant les conséquences fâcheuses des orientations économiques du gouvernement « en totale rupture avec les aspirations et attentes de la majorité des citoyens », ont-ils souligné, appelant le gouvernement et la classe politique en général à régler leur pendule à l'heure de la révolution. S'agissant des mouvements sociaux enregistrés au cours des trois derniers mois, (octobre, novembre et décembre 2017), Abdessattar Sahbani a noté que la contestation continue de sévir dans les mêmes foyers, à savoir les régions intérieures du Nord ouest, du Centre et du Sud (Sidi Bou Zid, Kasserine, Kairouan et Gafsa, notamment). En octobre 2017, il a été enregistré 1243 mouvements de protestations collectives et individuelles, ainsi que 44 cas de suicide et tentatives de suicide. Le mois de novembre 2017 a connu 1036 mouvements de protestations collectives et individuelles, et 61 cas de suicide et tentatives de suicide, alors qu'au mois de décembre 2017, le nombre des mouvements de protestations collectives et individuelles s'est élevé à 857, contre 60 cas de suicide et tentatives de suicide. Des enfants continuent de mettre fin à leur vie de manière violente (3 cas de suicide d'enfants en octobre, 4 en novembre et 4 en décembre). La violence prend aussi de l'ampleur, s'étendant aux espaces censés contribuer à l'endiguer comme les établissements éducatifs ou encore les espaces de loisir, tels que les stades, et plus particulièrement les violences conjugales et sexuelles qui sont en progression.