Ce sont plus de 80 chefs de cuisine et maîtres pâtissiers en veste blanche et pantalon noir, membres de l'Association Tunisienne des Professionnels de l'Art Culinaire (ATPAC), qui se sont réunis dimanche à Gammarth pour faire le bilan du mandat qui vient de s'achever et élire le nouveau bureau exécutif dont les membres sont passés de sept à neuf. Un rendez-vous incontournable pour les professionnels de la gastronomie tunisienne. A l'issue du vote, Chef Wafik Belaid a été élu à la tête de l'association pour les trois années à venir. Le nouveau Président nous parle de sa vision et des challenges auxquels fait face, d'après lui, la cuisine tunisienne aujourd'hui. Dans quelles conditions s'est déroulée l'assemblée élective de l'ATPAC ? Les membres de l'Association ont été très nombreux à répondre à l'invitation de l'ATPAC, conscients des enjeux de cette élection qui va définir la marche à suivre pour les trois prochaines années. L'ambiance était amicale et très positive, rehaussée par la présence de représentants de l'Office Nationale du Tourisme Tunisien (ONTT), de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) et du ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi mais aussi de nos hôtes de marque, l'Ambassadeur de France et Ridha Khedher, boulanger de l'Elysée, passé maître dans l'art de la confection du pain. Nombreux confrères, membres de l'ATPAC ont émis des propositions très intéressantes que le nouveau bureau étudiera et essaiera de concrétiser dans la mesure du possible. Parmi ces propositions, l'élaboration d'un guide officiel de la cuisine tunisienne mais aussi que la nécessité d'intégrer les professionnels du métier dans le système de formation professionnelle. L'idée de créer des ateliers de formation des enfants à partir de 10 ans à l'art culinaire a également été évoquée afin de déceler très tôt, les futurs talents et les encourager à se spécialiser dans ce domaine. A l'issue du débat, les membres ont été appelés à voter et c'est ainsi que j'ai été élu à la tête de l'association avec huit autres membres, à savoir les chefs Haykel Ben Zayda, Taieb Bouhadra, Slim Dahman, Rafik Tlatli, Nabil Barcous, Hassine Abassi, Elyes Somai et Wajdi Barcous. Il a été décidé d'élargir le bureau et d'y faire intégrer deux autres membres afin de mieux dispatcher les tâches et avoir une meilleure efficacité. Par ailleurs, le nouveau bureau prendra officiellement ses quartiers à l'Institut des Hautes études touristiques de Sidi Dhrif. Vous avez été élu à la tête de l'ATPAC. Quelle est votre vision à court et à moyen termes pour l'Association ? D'abord, il faut donner plus de place aux jeunes. La moyenne d'âge du nouveau bureau ne dépasse pas la quarantaine. C'est important de donner la chance et l'opportunité aux nouveaux talents d'émerger et de faire leurs preuves. Leur avis compte et leurs efforts doivent être reconnus par leurs pairs. Il faut également mettre en place une stratégie de formation continue qui permette aux professionnels de se maintenir à jour et de garder le cap en matière de nouveautés en cuisine. Pour cela, l'Association a créé l'Académie ATPAC qui assurera des cycles réguliers de formation aux jeunes apprenants dans des thèmes variés tels que la cuisine moléculaire, les viandes, les poissons ou encore la gastronomie française. Ensuite, il faut penser à élargir les activités de l'ATPAC au niveau local et à l'étranger en implantant des bureaux régionaux au Sahel, au Sud et au Cap Bon mais aussi à l'étranger et notamment en Europe et dans le Golfe. A noter que nous avons déjà une représentation permanente, forte de douze personnes, à Dubai. Qu'est ce qui empêche la gastronomie tunisienne de rayonner à l'international ? Malgré la qualité incontestée de ses chefs et leur talent reconnu, aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, la cuisine tunisienne souffre d'une mauvaise communication. Elle est bonne à déguster mais n'est pas glamour. Elle n'est pas joliment présentée et n'arrive pas à s'exporter. C'est avant tout un problème de communication et de marketing. Les Marocains, eux par exemple, ont su rendre leur cuisine aussi goûteuse qu'attractive. Il ne suffit pas de savoir cuisiner pour convaincre, encore faut-il savoir valoriser son patrimoine culinaire, les produits utilisés et la technicité des professionnels. Pour cela, l'Etat doit mettre le paquet et investir dans ce domaine mais jusqu'ici, il n'y a aucune volonté politique dans ce sens. L'épisode du dîner d'Etat en présence du Président Macron et le recours à un traiteur pour assurer le service aurait dû tirer la sonnette d'alarme et déclencher une prise de conscience pour pallier à ce manquement. Jusqu'ici, il n'y aucun signe qui montre que les autorités ont décidé d'accorder un réel intérêt à la gastronomie tunisienne. Heureusement, la société civile, avec 5 associations de professionnels, est là pour équilibrer la balance. En sera-t-il autrement dans un avenir proche ? On l'espère vivement! Propos recueillis