Il n'est pas du genre à tricher. Pour un art poétique, il ne cherchera pas arrondir les angles, en mettant les petits plats dans les grands, histoire d'encenser une beauté factice, qui se draperait, pour cacher sa laideur, dans les plus belles étoffes, afin que l'œil humain ne se saisisse au passage que d'un flamboiement de soieries miroitantes, en perdant de vue que le hideux et le monstrueux se cache dans ses plis. Non. Sa beauté extirpée, après beaucoup de souffrance, et de labeur acharné, sur l'ombre, sur toutes les ombres, les creusant inlassablement jusqu'à ce que la lumière, enfouie sous des strates successives ne fasse irruption, comme par un miracle qui ne viendrait pourtant pas tout seul, pour s'imposer, majestueuse et souveraine, quasi-irréelle, à la face du jour, crevant la toile et l'irradiant, de telle manière qu'il sera difficile à chaque fois de préciser, sans crainte de se tromper, si l'ombre a précédé la lumière, ou si c'est de la lumière que les ombres sont nées. Froissé. Comme un papier froissé, plutôt que d'être jeté à la poubelle, se retrouve soudain, nanti d'une vie nouvelle, la sienne propre, avec ses plis et replis, ses cassures et ses nervures, comme les rides qui s'impriment sur un visage raviné, finissent par raconter, si tant est que l'on sache leur prêter une oreille attentive, toujours, une si belle histoire... Une infinité de destins, une infinité de vies transcendés par l'esquisse légère et gracieuse d'un crayon survolté, qui sait caresser le cœur du papier ou de la toile vierge, avant d'imploser en silence, mais avec fureur et éclats : acrylique ou huile sur toile mêlés, pour engendrer une œuvre qui serait comme un clin d'œil, démultiplié, à l'humanité des Hommes. Parfois cela va vers l'épure, et la transcendance des pigments qui séduisent l'ivoire, tout autant qu'ils sont séduits par lui ; d'autres fois, le pourpre l'emporte, comme une colère rentrée, qui s'échappe par à-coups, pour narguer le sublime lorsqu'il s'approche trop du ciel, à vouloir fuir un enfer, qui n'est jamais aussi présent que lorsque l'on veut le chasser. Pour autant, celui qui fera un tour du côté de la galerie « Yass » (Dar Yass), pour découvrir l'univers pictural de Hamdi Mazhoudi, aura bien du mal, et combien même il lutterait pour, à en détacher les yeux. « Il n'y a pas plus ressemblant à un humain qu'un papier froissé » dira t-il. En dédiant cette exposition à la mémoire de Hechmi Ghachem...