" La couleur est par excellence la partie de l'art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s'adressent à la pensée, la couleur a tous les pouvoirs sur la sensibilité." Eugène Delacroix Un monde onirique se déploie sur les murs ocrés de ce lieu mythique de l'Art et de la Culture, toujours ouvert à tous, accueillant tout aussi bien les créateurs confirmés que les jeunes talents. Les tableaux sertis de bleu jettent toute leur lumière et le lieu en semble transfiguré. La touche de Othman Babba est toute singulière, son monde nous rappelle nos beaux livres de contes comme une réminiscence d'enfance au goût de sucre d'orge. Mais, ne nous méprenons pas, il y grave également nos souffrances secrètes et des réalités bien amères. Il a jeté sa palette dans l'arc-en-ciel qui lui a livré toutes les nuances enchanteresses, l'azur est descendu se mirer dans ses toiles, tel un Narcisse épris de tant d'abondance. Et depuis, ce magicien des couleurs les étalent généreusement, méticuleusement sur ses toiles. Il en connaît tous les secrets et les manie avec la dextérité des Grands. Quand vous aurez parcouru l'espace rempli du flamboiement de ses œuvres, quand vous vous serez, longuement, arrêtés devant chacune pour en détecter chaque détail, vous serez éblouis par une image obsédante, récurrente, tapie dans un coin de la toile, une ombre, d'une élégance inouïe, une présence à la fois si discrète et qui hante l'artiste, la silhouette gracile de la femme. Souvent de profil, elle s'impose à votre regard et l'émotion vous submerge. Ce peintre fait de la femme son emblème et sa quête du Beau. Elle semble parcourir tous les tableaux, observatrice-observée dispensant sa grâce, la répandant comme poussière d'étoiles sur les toiles. Elle est au cœur de l'œuvre, trônant partout, exposant son charme, son envoûtement, couverte d'anémones, dans toute la splendeur florale et la beauté de ses formes ou exposée à la convoitise des regards voraces. " Festin de femmes " dit les dérives de la saison des barbares qui ont fait du corps féminin lieu de batailles, marchandise et objet de plaisir. Othman Babba en a fait sa muse et son égérie, la nimbant de beauté et d'enchantement. Et puis vous verrez des villes s'étendre à perte de vue, grimper, s'accrochant aux flancs des collines ou descendant jusqu'à la mer, étale, parcourue du frisson des vagues, conjuguant ses bleus à l'azur. La quiétude des jours d'été, quand l'air semble s'arrêter de respirer sous un soleil, démesurément agrandi pour en invoquer toute la chaleur et toute la clarté. Il dispense vie et chaleur, tout au long de sa révolution journalière, son corail et son ocre doré. Mais il y a des villes bombardées, des paysages mutilés par les guerres et la folie des hommes, les murs parcourus d'impacts des armes, des cris et des hurlements, des souffrances et des déchirures. Des lambeaux de villes et de vies. L'humanité qui va à la dérive. Et tout ce qu'on ne voit pas et qu'un œil perspicace voit, mille mirages et mille miracles. Tout ce qui ne s'explique pas et qui est essentiel. Un foisonnement de paysages en lignes généreuses, en pointillés subtils, en géométrie variable qui traverse la toile, sans jamais se fatiguer. Un tissage à la mesure d'un talent qui nous ravit. Une" Broderie", trait par trait à la mesure d'une imagination débordante et féconde, tissée d'amour pour le pays des merveilles qu'il couvre de lumière, puisé dans le regard intact de l'enfance.