Depuis le discours du 20 mars prononcé par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, la scène politique a sombré dans une ébullition sans précédent où les différents acteurs ont vite fait de se positionner face au nouvel appel présidentiel concernant le changement du mode de scrutin et l'éventuelle intervention de la présidence du gouvernement dans la loi régulant la Cour constitutionnelle ; une Cour dont les membres n'ont toujours pas été élus à cause des blocages que connait le vote au niveau de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Si le débat sur le changement du mode de scrutin demeure stérile pour le professeur du droit constitutionnel Jawhar Mbarek, il représente, pour le député du mouvement d'Ennahdha Abdelatif Mekki, une preuve formelle contre ceux qui ont tenté de piéger le mouvement islamiste en 2011. Rappelant que ce mode de scrutin a été défini par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique – dont les membres étaient, à 95%, totalement hostiles à Ennahdha selon Mekki – qui œuvrait sous le règne de Béji Caïd Essebsi, le député a à peine voilé ses accusations contre l'ancien président du mouvement de Nidaa Tounes lui insinuant qu'il s'est fait prendre dans son propre piège. Bien qu'il fasse partie d'Ennahdha, et donc du pouvoir, Abdelatif Mekki n'a jamais caché son opposition à la ligne politique de son mouvement et à son alliance postélectorale. D'ailleurs, son interprétation de l'appel présidentiel n'a absolument rien à voir avec les appréciations officielles de son mouvement qui n'a fait que bénir l'initiative en se disant ouvert à tout débat sérieux sur la question. Du côté du Front populaire – qui a ouvert les hostilités quelques heures avant le discours du président en publiant un communiqué de boycott de la célébration du 62e anniversaire de l'Indépendance – le mode de scrutin doit rester inchangé au risque de donner la voie aux grands partis d'occuper, exclusivement, les premières places dans les prochains scrutins. Enchaînant sur la situation générale du pays, le porte-parole du Front, Hamma Hammami, s'est même apitoyé sur le sort du président du gouvernement, Youssef Chahed, assurant que ce dernier a été, politiquement, achevé par les partis majoritaires. Le Courant démocratique s'est, quant à lui, fermement opposé à l'appel de Béji Caïd Essebsi en affirmant, dans un communiqué public, que tout changement du mode de scrutin ne fera que mettre en péril le processus démocratique. Le dirigeant du Courant, Mohamed Abbou, a affirmé, au cours d'une déclaration télévisée, que ceux qui veulent changer le mode de scrutin cherchent, en réalité, à exclure les partis de l'opposition de la vie politique puisque ces partis ‘ne possèdent pas des milliards pour acheter les voix des électeurs'. Abbou n'a en effet eu aucune gêne pour affirmer que l'électeur tunisien peut très bien vendre sa voix pour à peine 50 dinars... Toutefois, la réaction la plus virulente nous vient du côté du Mouvement démocratique dont le chef, Ahmed Néjib Chebbi, a affirmé que « l'Etat est impuissant et est gouverné par des impuissants ». Pour lui, tout ce qu'est en train de faire le président de la République n'aurait qu'un seul objectif ; se préparer pour un deuxième mandat présidentiel vu que Caïd Essebsi se voit très bien continuer à diriger le pays jusqu'à ses 98 ans !