Après avoir longtemps tergiversé, les partis politiques qui manœuvrent depuis plusieurs mois pour débarquer le président du gouvernement, Youssef Chahed, ont finalement décidé de se jeter à l'eau. Des députés du mouvement Nidaa Tounès font circuler une pétition appelant le locataire du Palais de la Kasbah à solliciter un vote de confiance de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) en faveur de son gouvernement. «Des députés des différents blocs parlementaires ont signé cette pétition, à l'exception des élus du mouvement Ennahdha», a révélé, hier, le, secrétaire général du Courant Démocratique, Ghazi Chaouachi. «Le gouvernement dirigé par Youssef Chahed doit partir, puisqu'il qu'il a perdu toute légitimité eu égard aux crises politique et économique que vit le pays», a-t-il ajouté, demandant l'application de l'article 98 de la Constitution et le cas, échéant, l'article 99 pour mettre fin au blocage. L'article 98 de la Constitution stipule que «le Chef du gouvernement peut solliciter un vote de confiance de l'ARP quant à la poursuite par le Gouvernement de ses activités». Ce vote étant effectué à la majorité absolue des membres de l'ARP. Si l'Assemblée ne renouvelle pas la confiance accordée au gouvernement, celui-ci est considéré démissionnaire. L'épilogue de la crise politique dans la quelle se débat le pays s'approche-t-il de sa fin ? Rien n'est moins sûr, puisque le président du gouvernement n'est pas constitutionnellement obligé de se soumettre à cette épreuve de renouvellement de confiance en son cabinet. Dans ce cas, les partis qui souhaitent limoger le président du gouvernement n'auront d'autres choix que de recourir soit à l'article 97, soit à l'article 99 de la Constitution de 2014. L'article stipule qu' une motion de censure peut être votée à l'encontre du Gouvernement si une demande motivée est présentée au président de l'ARP par un tiers au moins de ses membres. Le vote de défiance à l'encontre du Gouvernement a lieu à la majorité absolue des membres de l'Assemblée sous réserve de l'approbation, lors du même vote, de la candidature d'un remplaçant au Chef du Gouvernement. Si la majorité requise n'est pas atteinte, aucune nouvelle motion de censure ne peut être déposée avant six mois révolus. Mais dans ce cas de figure, il serait difficile de pouvoir garantir les 109 voix représentant la majorité absolue sans l'accord du mouvement Ennahdha. Une procédure à haut risque L'article 99 stipule, quant à lui, que le président de la République peut demander à l'ARP de voter sa confiance pour la poursuite de l'activité du gouvernement deux fois au plus durant le mandat présidentiel. Le vote de confiance se fait à la majorité absolue des membres de l'ARP. Si cette dernière ne renouvelle pas sa confiance au gouvernement, celui-ci est reconnu démissionnaire Dans ce cas, le Président de la République charge la personnalité la plus apte à former un gouvernement dans un délai ne dépassant pas les trente jours, conformément aux paragraphes premier, cinquième et sixième de l'article 89. En cas d'expiration du délai fixé ou à défaut d'obtention par le gouvernement de la confiance de l'Assemblée, le président de la République peut dissoudre l'Assemblée des Représentants du Peuple et convoquer des élections législatives anticipées dans un délai de quarante-cinq jours au plus tôt et de quatre-vingt-dix jours au plus tard. En cas de renouvellement de la confiance au gouvernement à deux reprises, le président de la République est considéré comme démissionnaire. Le recours à l'article 99 présente ainsi des risques d'aboutir à une situation de vide institutionnel ou de convocation de législatives anticipées. D'autant plus que le président du gouvernement aurait, selon plusieurs sources concordantes, réussi à s'assurer le soutien de la majorité des membres du bloc de Nidaa Tounès à l'Assemblée, en plus de l'appui dont il bénéfice de la part du mouvement Ennahdha qui dispose du premier bloc parlementaire, du bloc «nationaliste» et de plusieurs députés du bloc Al-Horra. A l'issue d'une réunion tenue fin juin entre M. Chahed et la commission parlementaire créé par Nidaa Tounès afin d'évaluer le travail du gouvernement, le député Ramzi Khmissia, déclaré aux médias que «la commission a décidé de garder Youssef Chahed comme président du gouvernement, tout en opérant un remaniement ministériel», désavouant ainsi le directeur exécutif du parti, Hafedh Caïd Essebsi qui a demandé aux signataires de l'accord de Carthage de limoger Youssef Chahed. Selon des sources proches de la Kasbah, le président du gouvernement bénéficierait du soutien de 130 voix à l'ARP : 45 députés de Nidaa Tounès, 68 députés du mouvement Ennahdha, 10 voix du bloc parlementaire nationaliste, et 10 députés du bloc parlementaire «Al-Horra». Sauf tractations de dernière minute qui favoriseraient des ententes secrètes, le limogeage du jeune Chef du gouvernement par les voies constitutionnelles ne passera pas comme une lettre à la poste.