Le conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a fustigé, dans un communiqué publié hier, une récente circulaire ministérielle obligeant le personnel médical et paramédical exerçant dans les établissements publics et privés à déclarer obligatoirement toutes les grossesses et les naissances hors mariage, estimant que cette mesure représente une violation de la Constitution. «La déclaration au représentant du ministère de la Santé de ces grossesses et naissances hors cadre du mariage - pour les mères célibataires désirant abandonner ces nouveaux nés - inacceptable car violant le secret professionnel, les droits individuels les plus élémentaires et la protection des données personnelles», a précisé le CNOM, dans son communiqué, indiquant que la nouvelle circulaire émise en août dernier par le ministère de la Santé publique reprend grosso-modo les points figurant dans la circulaire N° 64 du 27 juillet 2004. «A l'époque la circulaire N° 64 du 27 juillet 2004 était accepté. Mais avec les droits individuels garantis aujourd'hui par la nouvelle constitution, cette note est devenue inacceptable et inconstitutionnelle», a-t-il ajouté. Rappelant que le secret professionnel s'impose à tous les médecins sauf dérogations établies par la loi et que sa divulgation les expose aux poursuites judiciaires et disciplinaires, le conseil de l'Ordre des médecins a appelé le ministère de la Santé « à adapter le contenu de la note aux avancés du pays en matière des droits individuels dans le strict respect de la déontologie médicale». Il a aussi incité les médecins à «mieux encadrer ces mères célibataires et à les informer sur leurs droits et sur les procédures pour obtenir de l'aide auprès de la commission et des services sociaux si elles le désirent». Dans une circulaire adressée le 10 août dernier aux directeurs régionaux de la santé, des directeurs généraux des institutions publiques de santé et des directeurs des hôpitaux régionaux, le ministère de la Santé publique a indiqué que les médecins gynécologues, les sages-femmes et tout le personnel médical travaillant dans les services de maternité publics et privés sont désormais appelés à informer une commission de vérification de la paternité et à les orienter à un centre de maternité de référence. Le personnel médical et paramédical sera ainsi dans l'obligation de considérer ces grossesses comme des cas particuliers qu'il faut diriger vers les structures publiques de référence en obstétrique disposant des services de psychologues et d'assistantes sociales. Selon les données de l'Association Amal (Espoir) pour la famille et l'enfant, qui œuvre pour le soutien psychologique aux mères célibataires et l'aide aux enfants nés hors mariage, le nombre des naissances hors du cadre légal du mariage se situent à entre 1200 et 1600 en moyenne par an, dont près de la moitié se concentre dans la région du grand Tunis. Le taux d'abandon des enfants nés hors mariage est aussi très élevé : 21% seulement des mères célibataires qui placent «provisoirement» leurs enfants auprès de structures d'accueil ou d'associations les récupèrent par la suite. Ces enfants naturels n'ont par ailleurs aucun droit à l'héritage A noter dans ce cadre que la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe) a proposé dans son rapport présenté récemment au président de la République de faire bénéficier l'enfant né hors mariage des mêmes droits d'un enfant «légitime».