Il n'y a point de démocratie sans une magistrature indépendante. Certes les juges sont la bouche de la loi, comme l'a affirmé Montesquieu dans son ouvrage « l'esprit des lois ». Cela veut-il dire pour autant qu'ils ont un rôle passif , étant tenus d'appliquer strictement les textes en présence, dans les affaires qu'il leurs est demandé d'examiner ? Bien sur que non car dans les décisions que rend le juge il y a un peu de sa personnalité et de sa tendance politique , et ses propres croyances, et tous les éléments qui font ce qu'on appelle en droit « son intime conviction ». Il peut en effet suppléer à la loi dans le cas où elle est confuse ou muette sur une question déterminée. C'est la raison pour laquelle le rôle du juge est important dans la préservation des droits. Peut-il toutefois intervenir de sa propre initiative ? Sur le plan purement légal il ne peut le faire que lorsqu'on fait appel à lui , c'est à dire lorsqu'il est saisi selon les règles de la procédure, et c'est ce qu'affirme Tocqueville juriste et philosophe français du 19ème siècle. Cependant bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis, et le rôle du juge a évolué, en fonction du régime politique en place. Evidemment en Tunisie l'indépendance judiciaire a toujours été la pierre angulaire de l'Etat de droit. Toutefois, l'existence de l'institution judiciaire n'est pas une garantie de justice tant qu'elle inféodée à l'Etat. Durant l'ancien régime il y avait une très forte immixtion de l'Etat dans le système judiciaire qui portait atteinte à l'indépendance judiciaire. Après la Révolution la réforme du conseil supérieur de la magistrature a été parmi les premières priorités, dans le but de garantir l'indépendance du magistrat et préserver le pouvoir judiciaire l'un des piliers sur lesquels repose tout Etat démocratique. Il faut se préserver cependant, de confondre entre pouvoir judiciaire et pouvoir du juge. Ce dernier est indépendant sans avoir de pressions ou d'ascendant, afin que ses décisions soient rendues dans le cadre de la loi et en toute objectivité. Le CSM était était présidé à l'époque par le président de la République et vivait de ce fait selon ses directives et son bon vouloir. Revenus sur la scène, l'association et le syndicat des magistrats avaient dès lors clamé le remplacement de cet organe qui a longtemps nui à l'image de la justice, par un organe répondant au mieux aux vœux des hommes de la profession ainsi qu'à ceux du justiciable, dans un but de consolider davantage l'indépendance de la Justice. Il est en effet énoncé dans l'article premier de la loi organique du 28 avril 2016 portant création du CSM que ce dernier garantit la bonne marche de la et surtout l'indépendance des magistrats, principe consacré par la Constitution . En vertu de ce principe la célérité des procédures et leur impartialité sont garanties par le CSM. Or la plupart des observateurs dont notamment l'Association des magistrats tunisiens lui reprochent son manque de vigilance face à une lenteur flagrante dans les grandes affaires de corruption et de crime politiques. L'enquête dans l'affaire d'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahim est encore au statu quo. Dans l'affaire Chafik Jerraya, certains accusés se sont volatilisés dans la nature . C'est le cas de Najem Gharsalli, dont la procédure de levée d'immunité à son encontre a mis du temps pour être déclenché….le temps qu'il fallait pour qu'il soit hors du territoire. Actuellement un avis de recherche a été émis à son encontre, mais qui reste pratiquement sans grande efficacité. Il est donc indispensable que le CSM agisse d'une manière plus efficace et plus diligente afin de préserver l'indépendance de la magistrature, et par là même l'image de la justice et l' Etat de droit dont la pierre angulaire est une justice indépendante qui n'obéit qu'à la loi.