Le rôle désormais dévolu à l'université dans le processus de développement durable vient d'être le centre d'intérêt du colloque international organisé récemment par l'Université de Sfax. La définition de ce rôle nécessite , en fait, un questionnement préalable sur les déterminants du développement régional et sur la meilleure voie à suivre pour réussir la synergie nécessaire entre la formation, la recherche et le développement. Il ressort des travaux du colloque que la stratégie de développement régional durable est fondée sur l'émergence de ville ou de région apprenante , un concept qui signifie « que la ville ou la région ont une volonté clairement affichée de placer l'innovation et l'apprentissage, accompagnés d'une utilisation des TIC, au cœur de leur stratégie de développement, ce qui implique un partenariat durable entre tous les intervenants d'un territoire donné. » L'apprentissage doit être conçu sur le double plan individuel et institutionnel impliquant les acteurs d'un territoire dans des relations d'interactivité, de partenariat, d'échanges et de coopération multilatérale.
L'innovation technologique , pilier du développement régional Sachant que le développement des régions est tributaire de l'innovation technologique, véhiculée essentiellement par les TIC et dont les pôles technologiques sont les creusets, il y a lieu de s'interroger sur les atouts et les potentialités de la région de Sfax en la matière. A ce propos, le professeur Hamed BEN DIAA met l'accent sur la disponibilité d'importantes ressources humaines et sur un autre atout, en l'occurrence la motivation, l'accumulation de savoir et la promotion de l'entrepreneuriat mais surtout la synergie entre la trilogie constituée de l'autorité régionale, l'industriel et l'universitaire. Le colloque de Sfax, aura eu le mérite au moins,grâce à la confrontation d'idées et d'expériences différentes, de baliser la voie vers la consolidation de cette collaboration entre les trois hélices du développement précitées, dans la mesure où l'on « est en train de réfléchir sur la mise en place d'une structure régionale ayant pour tâche de promouvoir la coordination entre les trois composantes du développement et de se focaliser davantage sur l'innovation et la compétitivité. » Si le bilan est jugé satisfaisant sur le plan quantitatif, le président de l'Université estime qu'il reste énormément à faire sur le plan qualitatif. Les défis sont considérables en effet à la fois pour l'Université et la région. L'Université est appelée à s'ingérer professionnellement dans la prospective de développement de la région, à mieux s'investir dans la prospection de ce qui est valorisé et de ce qui est valorisable en terme d'idées et de compétences et dans la détection de niches de développement : « A titre d'exemple, avance-t-il, Sfax se prête parfaitement à devenir un pôle de compétitivité en matière d'huile d'olive, forte qu'elle est de ses excellents acquis en matière de recherche, de la qualité de ses industriels, de son savoir-faire millénaire et de la volonté des autorités régionales et nationales. » Par ailleurs, le technopole de Sfax, dédié aux nouvelles technologies, a réussi à se positionner dans ce domaine et abrite des entreprises opérant dans des spécialités pointues, avec des activités centrées sur l'exportation de l'intelligence et la conquête de marchés extérieurs. L'objectif de cette institution est « le renforcement de la synergie entre la recherche, les organismes de formation et le tissu productif » Des acquis, certes élogieux, des potentialités, incontestablement prometteuses, encore faut -il que la mentalité suive. A ce niveau toutes les parties prenantes au processus de développement sont appelées à consolider la synergie avec les autres composantes et à mieux prendre conscience de ce que cette synergie peut lui apporter. Sur le plan de la qualité, il y a lieu de s'interroger sur la pléthore d'étudiants dans les universités tunisiennes et sur ses retombées sur la qualité de leur formation. Le problème se pose également, pour l'Etat en termes d'emplois à pourvoir à ces futurs diplômés dont le nombre atteindra, selon les prévisions 100 mille à partir de 2014. Or, selon des chiffres avancés par certains intervenants au colloque, si dans certains pays d'Europe, le nombre d'entreprises dépasse le nombre d'étudiants, soit environ plus de deux millions de part et d'autre en France, par exemple, en Tunisie de l'ordre, il serait de 23 à 25 étudiants pour une entreprise, ce qui nous place quand même très en avance par rapports à certains pays africains où l'on ne compte qu'une seule entreprise pour une soixantaine d'étudiants. En d'autres termes, la Tunisie compte 364 mille étudiants et environ 27 à 28000 entreprises économiques, alors qu'en France, nous croyons savoir que le nombre d'entreprises dépasse légèrement les 02 millions soit l'équivalent du nombre d'étudiants. Sur le plan de la recherche, beaucoup reste à faire en matière de coordination et de partenariat avec le tissu industriel. Pour remédier à cette situation , une enquête va être entamée auprès des chercheurs pour découvrir ce qu'ils ont de valorisables. Une enquête sera menée en parallèle auprès des industriels pour connaître leurs besoins et leurs idées particulièrement en matière de formation continue, en innovation en vue de mettre en place une stratégie convenue et partagée, à même de changer les mentalités et d'inscrire la région dans une logique de développement durable et compétitif. Sur un autre plan, l'université se doit de mieux s'engager dans la dynamique d'entrepreneuriat, de mieux affûter les armes, de développer l'expérience déjà concluante en matière de création d'entreprises, appréciée par les participants étrangers au colloque de Sfax et en même temps s'inspirer des expériences des autres universités invitées à l'occasion de la prochaine et 1ère conférence internationale que l'Université de Sfax compte organiser au mois de mars prochain sur le thème : « Culture entrepreneuriale et création d'entreprises »
Recommandations A l'issue des travaux du colloque international de Sfax, plusieurs recommandations et autres réflexions ont été formulées en vue d'impulser « le développement durable dans les régions maghrébines et , en particulier dans la région de Sfax qui a tous les ingrédients d'une ville apprenante : pôle agroalimentaire, universitaire et technologique mais qui nécessite un surcroît d'efforts pour accéder à la dimension de métropole méditerranéenne compétitive, une métropole de l'innovation et de la haute technologie labellisée ville apprenante. Les principales recommandations sont les suivantes : - Renforcer la coopération entre l'Université et le pôle technologique de Sfax pour qu'il puisse rayonner sur l'espace euro-méditerranéen. - Multiplier les mécanismes d'appui financiers publics et privés aux activités innovantes et les étendre aux micro-entrepreneurs à l'instar de l'ONG « Enda inter-arabe ». - Développer les mécanismes de recherche en vue de renforcer la compétitivité de la région de Sfax, et en particulier la compétitivité de l'oliveraie, à l'échelle nationale et internationale. - Améliorer l'infrastructure qui reste en décalage par rapport à la stratégie de développement de la région. - Créer une cellule régionale d'innovation et de compétitivité (CRIC), présidée par le gouverneur et impliquant toutes les parties prenantes.