La conjoncture actuelle difficile à mener implique certains dans un engagement caritatif exemplaire visant à soutenir les démunis et leur venir en aide. Les Tunisiens, qui ont toujours été solidaires et généreux les uns aux autres, manifestent aujourd'hui, durant cette situation critique, un dévouement indescriptible vis-à-vis des nécessiteux : ils se sacrifient jour et nuit en vue de satisfaire aux besoins de ces derniers qui sont dans l'incapacité de répondre à la moindre exigence de la vie. Le soutien aux dépourvus, en cas de guerre et de pandémie, est avant tout un devoir humain et non un choix : si cléments que nous soyons, nous devons prendre en considération ces individus souffrent en silence. Or, remarquons-le, dernièrement, les aumônes et les charités se métamorphosent en des célébrations voire en des actes éhontés. Oui, les vidéos et les photos qui circulent et envahissent les réseaux sociaux en témoignent vivement. Il est certes légitime d'inciter les autres aux actes nobles mais il est inestimable et intolérable d'en faire une grâce pour se gratifier davantage. Il faut, désormais, respecter la dignité de ceux, qui pour gagner notre compassion, acceptent de figurer sur les photos et les vidéos : ils n'ont pas le choix, c'est la seule manière qui puisse leur garantir un pain. Artistes, joueurs, célébrités, ont contribué à sensibiliser les gens à travers des vidéos massivement partagées, par contre d'autres ne font que confier clairement le montant donné ou réservé pour les dépouillés. Le don perd dès lors son objectif primordial et sa valeur, et se transforme en vente aux enchères, action pendant laquelle certains se vantent et se targuent de leur diverses collaborations. Tout est censé se passer en pleine discrétion pour ne pas bafouer la dignité des nécessiteux, les dégrader ou rabaisser leur orgueil. Pensons à l'enfant qui pourrait voir, par hasard, la photo de son père en train de recevoir de l'aumône ; il se sentirait outré, dégradé et vexé. Donnez le plus, mais montrez-le moins ! L'artiste Najla Tounssia, invitée sur le plateau-télé de Hedi Zaiem, reproche à son tour aux autres stars le fait de faire publiquement la louange de leurs dons : elle n'est certes pas contre l'appui et le dévouement, mais préfère accomplir ces actes nobles en silence pour ne pas nuire à la dignité et à l'honneur des autres. La chaîne Nessma TV a fait de cette aumône, un commerce. Son propriétaire et président du mouvement Qalb Tounès a, certes, été interdit de se montrer sur le plateau TV, pour faire étalage de son œuvre de bienfaisance. Mais, il a contourné la loi en se montrant en train de livrer les produits et marchandises collectées auprès de donateurs qui préfèrent ne pas se montrer ou qui font la promotion de leurs produits, à travers ces dons. Toutefois, on se demande quelle est la participation de ce magnat de la presse, dans la collecte des dons. Il n'est que temps, pour arrêter cette mascarade et laisser l'Etat collecter et distribuer les dons, comme bon lui semble. Parce que c'est l'Etat et ses dirigeants politiques qui sont responsables des œuvres caritatives et personne n'a le droit de les remplaces, parce que cette œuvre risque d'être exploitée de manière peu recommandable et à des fins électorales. Alfred Auguste Pilavoine, écrivain et huissier de justice à Sompuis, réclame : « Quand vous faites l'aumône au malheureux, n'oubliez jamais que c'est à votre semblable que vous le faites ». La charité n'est donc plus conçue telle une faveur ou un choix, mais un devoir individuel et collectif !