Dans cette période de grand combat contre la pandémie, le pays a besoin plus que tout de bonne gouvernance et de confiance dans ses institutions. Or, bien que selon le sondage, le taux de satisfaction des tunisiens des mesures gouvernementales soit élevé, Elyès Fakhfakh et son équipe sont sous les feux des critiques, tous les jours ! Tous les horizons se noircissent chaque jour davantage. A peine on est sorti de l'affaire des bavettes et des autres « affaires » liées à la logistique du combat contre le coronavirus qu'éclate depuis samedi dernier une autre affaire, qui a enflée durant le weekend dernier, et qui concerne la nomination de deux conseillers nahdhaouis auprès du chef du gouvernement. Mémoire courte Il faut d'abord rappeler aux critiques de la 25ème heure que dans l'accord qui a permis à Elyès Fakhfakh de faire passer son gouvernement, il y a une clause qui a été annoncée et qui stipule que le chef du gouvernement nommera des conseillers de chaque parti de la coalition, un pour chaque parti et deux spécialement pour Ennahdha ! Alors il y aura encore d'autres conseillers qui seront nommés bientôt. Si la nomination de deux nouveaux conseillers (avec rang de ministre et de secrétaire d'Etat) et qui a été ébruitée samedi 25 avril, a surpris plus d'un et a fait bouillir le Facebook, c'est que la mémoire de certains est courte. Mais c'est vrai que le choix du moment est très mauvais. Cependant, Fakhfakh répondait par cette nomination à un autre dilemme plus grave au sein de son gouvernement, celui de la fronde de son principal allié le parti Ennahdha. Surtout après le bruyant refus exprimé par son ministre nahdhaoui Anouar Maarouf à sa délégation de pouvoirs de contrôle à Mohamed Abbou ! L'allié frondeur Ce n'est pas la première fois que le grand allié Ennahdha fait de siennes avec le chef du gouvernement. On se rappelle tous les problèmes qu'a dû affronter M. Fakhfakh pour faire passer la délégation de pouvoirs (selon l'article 70) au parlement. Le parti Ennahdha était prêt à s'allier même avec Qalb Tounès pour imposer ses vœux à Fakhfakh. Tous les observateurs ont souligné la tendance de ce qui est communément appelé « les mouches bleus » (signifiant les brigades nahdhaouis de Facebook) à encenser Abdellatif Mekki (ministre de la santé) et son action en ignorant totalement qu'il travaille au sein d'un gouvernement et avec une équipe présidée par Elyès Fakhfakh ! La sortie d'Anouar Maarouf n'est en fait qu'un énième rappel à l'ordre au chef du gouvernement afin qu'il n'ignore pas ce que son principal allié peut faire à tout moment. La hantise d'Ennahdha est de se retrouver coincée au sein du gouvernement entre le Courant Démocratique de Mohamed Abbou et le mouvement Echaâb. Il faut faire barrage par tous les moyens. La délégation des pouvoirs de contrôle effectuée par Fakhfakh était aussi inscrite dans le contrat de gouvernement, mais Ennahdha a fait comme si elle a oublié pour que le Chef du Gouvernement hâte la nomination de ses deux conseillers nahdhaouis. Gouvernance et confiance Comme si les ennuis de la lutte contre le Coronavirus ne suffisent pas au gouvernement et à son chef, il faut y ajouter un état lamentable de la coalition au pouvoir ? On s'est demandé dans les journaux s'il y deux majorités dans le pays, une majorité gouvernementale et une autre parlementaire ? L'indiscipline de vote a fait capoter un projet de loi important au Bardo, non pas par le fait d'Ennahdha mais par l'insouciance du Courant Démocratique et d'Echaâb. La gouvernance a pris un sacré coup avec l'affaire des bavettes et ce qui a suivi comme réaction d'un chef de gouvernement aux abois ! Le retard des tests rapides, la gestion calamiteuse de la pandémie par les ministres des affaires sociales et du commerce, l'affaire des malades de Djerba, sont venus aggraver le manque de gouvernance perceptible. Malgré les efforts pour colmater les brèches, la confiance est sérieusement entamée. Fakhfakh est aujourd'hui désigné du doigt sur les réseaux sociaux en lien avec le prélèvement d'un jour de travail, décision pourtant prise avec l'accord de l'UGTT. La fronde ici, généralisée s'exacerbe avec la nomination de deux nouveaux conseillers. Certains ont demandé à Fakhfakh de payer ses nouveaux conseillers de sa poche et non par l'argent prélevé des citoyens. Sur l'école et le retour des élèves, sur l'aide aux petits métiers et l'aide aux entreprises, sur la visibilité de l'horizon de l'après-Covid-19, et sur beaucoup d'autres questions le gouvernement de Fakhfakh est attendu au coin. Avec une coalition qui n'en est pas une, une gouvernance aussi bancale et une confiance ruinée chaque jour davantage, M. Elyès Fakhfakh a des jours difficiles devant lui, même si on s'en sort relativement indemne du Coronavirus !