Ni défilés, ni rassemblements : la planète confinée a vécu hier un 1er mai inédit en raison de la pandémie de coronavirus, qui a fait 230.000 morts et accable l'économie mondiale. Accusée par Washington de complaisance envers la Chine, l'Organisation mondiale de la santé a demandé vendredi à être associée par Pékin aux enquêtes sur l'origine de la pandémie. Donald Trump avait évoqué jeudi de nouvelles taxes punitives contre la Chine après avoir acquis la certitude que le nouveau coronavirus provenait d'un laboratoire hautement sensible de Wuhan, la ville où elle a débuté fin 2019. Reconnaissant qu'elle "ne participe pas actuellement" aux études sur l'origine du nouveau coronavirus, l'OMS, par la voix de son porte-parole Tarik Jasarevic, a indiqué souhaiter y être associée, sous réserve d'"invitation du gouvernement chinois". Dans un monde à l'arrêt à cause du confinement, la litanie des mauvais chiffres économiques s'est poursuivie hier : l'Espagne, un des pays les plus touchés d'Europe avec près de 25.000 morts, a annoncé tabler sur un recul de 9,2% de son économie cette année. Pas de travail, pas de salaire Dans ce contexte, c'est sans les traditionnelles manifestations syndicales que s'est tenue la fête du Travail, jour férié dans de nombreux pays. Une première dans l'Histoire. Les travailleurs ont été notamment invités à investir... balcons et réseaux sociaux. Comme en Indonésie, où la principale confédération a déployé des banderoles dans 200 villes et lancé une campagne numérique invitant à "manifester depuis la maison". Principale revendication : que le versement des salaires soit garanti, alors que comme partout dans le monde la pandémie a contraint d'innombrables entreprises à réduire ou à suspendre leur activité. Aux Philippines, quelque 23 millions de personnes, soit près du quart de la population, sont menacées de famine en vertu de la règle "pas de travail, pas de salaire", s'alarme le responsable syndical Jerome Adonis. Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), pas moins de 1,6 milliard de personnes risquent de perdre leurs moyens de subsistance en raison du confinement et de la récession historique que cette mesure provoque. Pays le plus frappé avec quelque 2.000 morts par jour et plus de 63.000 au total, les Etats-Unis totalisent plus de 30 millions de demandes d'allocation chômage depuis la mi-mars, un record historique. Dans plusieurs pays africains, les transferts financiers des travailleurs émigrés en Europe se sont presque taris. "Mon frère travaille dans des plantations à Saragosse (nord de l'Espagne). La dernière fois qu'il nous a envoyé de l'argent, c'était en février", témoigne Tidiane Konté à Dakar. En Amérique latine, plusieurs pays envisagent eux aussi de lever certaines restrictions. Mais "un assouplissement immédiat des mesures pourrait être désastreux", met en garde l'Organisation panaméricaine de la santé. En attendant, à Cuba, sportifs et musiciens s'exercent sur les toits de leurs immeubles. Comme William Roblejo, un violoniste de 35 ans. "Je suis très heureux, j'ai été enfermé pendant 20 ou 25 jours", raconte-t-il à La Havane. Au Brésil, le confinement a été prolongé à Rio de Janeiro jusqu'au 11 mai, une décision prise à l'encontre des positions du président Jair Bolsonaro, qui défend coûte que coûte la reprise de l'activité économique. L'état d'urgence sanitaire devrait également être prolongé au Japon au-delà du 6 mai, a indiqué le Premier ministre Shinzo Abe. Les Chinois à l'inverse ont entamé vendredi leurs premières vraies vacances depuis le début de la crise. En France, où la tradition du 1er mai est particulièrement vivace, des syndicats ont voulu dédier la journée aux "invisibles de nos sociétés", soignants ou caissières, qui "continuent à travailler le plus souvent au risque de leur vie". A Istanbul, la police turque a arrêté hier plusieurs responsables syndicaux qui défilaient en dépit de l'interdiction de sortir.