LE TEMPS - Il fallait s'attendre à ce que l'amendement passe et soit adopté, surtout que cela sert les intérêts des partis qui veulent « garder » leurs sièges à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), même s'ils ne sont pas nombreux, tout en évinçant les potentiels transfuges qui, dans la crainte de perdre leur poste, ne chercheront plus à aller voir ailleurs. Toutefois, il semble que l'adoption de cet amendement est jugée « inconstitutionnelle », par les gardiens du temple, en l'occurrence les experts du droit constitutionnel. Le vote de la proposition d'amendement de l'article 45 du règlement intérieur de l'Assemblée des représentants des peuples (ARP) est manifestement inconstitutionnel, a affirmé Salsabil Klibi, professeur de droit constitutionnel. La Commission du règlement intérieur, de l'immunité, des lois parlementaires et des lois électorales avait adopté lors de sa réunion, mercredi, une proposition d'amendement de l'article 45 du règlement intérieur de l'ARP. La proposition prévoit que le député démissionnaire du parti ou de la liste de candidats ou de la coalition électorale sous lesquels il a présenté sa candidature ou le bloc qu'il a rejoint, perde sa qualité de député et soit remplacé par un autre candidat de la même liste. Kélibi a expliqué, vendredi, dans une déclaration à l'agence TAP, que l'adoption dudit amendement va à l'encontre des dispositions de l'article 35 de la Constitution garantissant la liberté de créer les partis politiques ainsi que du décret-loi 2011-87, portant organisation des partis politiques, garant à son tour de la liberté d'organisation et de rejoindre les partis politiques et de s'en retirer. La juriste a, par ailleurs, mis en garde contre les conséquences d'adopter de tels amendements en l'absence d'une Cour constitutionnelle, "seule en mesure de déterminer la constitutionnalité ou non d'un projet d'amendement". Elle a, dans ce contexte, souligné l'importance de respecter la hiérarchie des textes juridiques. "L'adoption par la commission du règlement intérieur de l'amendement de l'article 45 va aussi à l'encontre de l'article 20 de ce règlement qui stipule qu'un député devient le député de tout le peuple, une fois que les résultats définitifs des élections législatives sont annoncés, et non un député d'un parti, d'une liste ou d'une coalition électorale", a-t-elle fait remarquer. Et de conclure "sanctionner un député en lui faisant perdre sa qualité de député ne peut encourager à la démocratie des partis politiques. Mieux encore, cette sanction pourrait devenir un moyen de chantage ou d'imposer des positions du parti politiques même si celles-ci s'opposent aux convictions du député". C'est tout dit et cet amendement sert, plutôt, les intérêts des partis et que son adoption est un couteau à double tranchant, surtout que la dissidence peut s'installer au sein des groupes parlementaires, avec, à la clé, des blocages à la pelle. Et cela ne peut servir d'aucune manière les intérêts du citoyen et du pays.