Louer une villa à 1000 dinars environ par mois, dans une Cité huppée de la banlieue nord de Tunis, pour y passer une semaine par mois et la consacrer, le reste du temps, à une chatte et des oiseaux en cages, sous la garde d'une domestique chichement payée, tel est le caprice que s'est permis une ressortissante européenne exerçant dans un grand média européen très connu dans son pays. Selon la personne qui a rapporté les faits, une mère de famille de condition très modeste, la ressortissante européenne prenait régulièrement par téléphone des nouvelles de la chatte et des oiseaux auprès de la domestique et lui donne ses consignes, ne manquant pas à chaque déplacement d'acheter de grandes quantités de provisions pour de grosses sommes d'argent à ses heureux protégés. Elle avait recueilli la chatte, encore petite, dans la rue. La SPA lui aurait décerné un certificat d'honneur, mais d'aucuns verraient dans son comportement un excès contestable. Notre informatrice a dit qu'elle aurait aimé être cette chatte dorlotée au lieu d'être voué à une vie de privations frustrantes. Comme l'ont noté souvent les commentateurs, c'est par de pareils comportements que la richesse est devenue choquante et révoltante, car ils outrepassent les limites tolérables. Chez nous, en Tunisie, les familles de Ben Ali et Trabelsi, sous l'ancien régime, avaient suscité l'indignation générale par leurs démesures. Les riches en Europe et en Occident l'ont compris, car tous les Européens et tous les Occidentaux ne sont pas riches, grâce, notamment, aux longues luttes avec les justiciers socialistes et marxistes. Le discours moderne, conçu, sur mesure, par les riches occidentaux, a banalisé sciemment la richesse, devenue quelque chose de naturel. Le terme « riche » est rarement employé tandis que les termes « capitaliste » et « capitalisme » qui lui sont associés ont été rayés complètement du vocabulaire. On parle, à la rigueur, de milliardaire, de millionnaire, mais beaucoup de libéralisme, de pays développés, de pays hautement industrialisés. La liste des plus gros milliardaires du monde, détenteurs de quelque dixième des richesses mondiales, est devenue une simple curiosité médiatique, au même titre que l'acquisition des pièces de collections à des prix inimaginables et autres caprices de riches. Classe moyenne Pourtant, de l'avis de beaucoup d'experts, les riches s'enrichissent et leur nombre se restreint sans cesse, tandis que les pauvres s'appauvrissent et leur nombre n'arrête pas de croitre, en raison de l'érosion grandissante de la classe moyenne dans les divers pays du monde. En Tunisie, un jeune enseignant universitaire, ou un jeune médecin, ou encore un ingénieur ou un jeune avocat, de la classe moyenne, devront peiner longtemps avant de pouvoir acquérir une maison propre et une voiture particulière, et hypothéquer pratiquement leurs salaires et émoluments pour plus de vingt ans. Au même moment, on a vu des familles riches dépenser 50 mille dinars, l'espace d'une nuit, pour célébrer le mariage d'un fils ou d'une fille dans des hôtels luxueux.