La dissolution du Bureau Exécutif (BE) d'Ennahdha par Rached Ghannouchi, annoncé lundi dernier, n'était pas une surprise, le BE étant son domaine réservé statutairement. Cette dissolution n'est en fait qu'une partie de toute une stratégie du Cheikh, dans sa gestion du mouvement et de son avenir. Dès son élection fin 2019, au perchoir de l'Assemblée, Ghannouchi savait que la question de son rôle au sein du mouvement islamiste et partant de son futur politique était posée. D'ailleurs la question dépasse le seul Ghannouchi pour poser le problème de l'avenir du mouvement, le renouvellement de sa direction, et surtout du renouvellement de son offre politique qui commençait à battre de l'aile, dans toutes les élections depuis 2011. Les bisbilles avaient commencé lors de la préparation des listes des élections législatives. Rached Ghannouchi, ayant mis la main sur le BE et sur l'appareil administratif de Montplaisir, a modifié les listes, pourtant élues, et a placé ses protégés en éloignant du coup des poids lourds un peu trop critiques comme Abdellatif Makki ou Abdelhamid Jlassi entre autres. Des réactions en chaînes sont alors apparues pour la première fois au sein du mouvement islamiste. Des démissions de noms de premiers rangs ont été rendues publiques et des critiques, pas voilées du tout, ont été publiées par Zoubeïr Chéhoudi, par Lotfi Zeitoun, par Zied Laadhari, etc. La question du prochain congrès a été au centre des interrogations et surtout son corollaire, le remplacement du Cheikh à la tête du mouvement comme le stipule les statuts remaniés lors du Xème congrès. Il est devenu clair que le président d'Ennahdha n'entend pas lâcher son poste et sa main mise sur le mouvement. Le Congrès passe à la trappe et aucune amorce de préparation de son contenu et de ses travaux n'est amorcée jusqu'à fin 2019 avec l'arrivée du Gouvernement Fakhfakh et de la pandémie du Covid -19. Dans la foulée de la participation d'Ennahdha au gouvernement Fakhfakh, Ghannouchi en profite pour placer ses « meilleurs ennemis » à des postes ministériels importants. Abdellatif Makki à la Santé, Zeitoun aux affaires locales, mais sans oublier les vrais poulains, Anouar Maârouf, ministre d'Etat, ministre de transport. Deux mois sont passés depuis, et maintenant la donne commence à changer, ce qui autorise le Cheikh à dévoiler ses prochaines étapes à commencer par la dissolution du BE, qui ne pose pas de problème du point de vue réglementaire mais qui annonce un changement de la « tête du mouvement » qui est sans secrétaire général depuis la démission de Zied Laadhari. D'ailleurs, le nom d'Anouar Maârouf commence à circuler pour ce poste. L'heure est venue pour Rached Ghannouchi de rectifier le tir et d'imposer son calendrier à lui à la scène interne d'Ennahdha et à la scène politique du pays. D'abord il lâche ses intimes pour continuer et intensifier leur « bataille » contre Kaïs Saïed, en même temps il attise sa campagne de harcèlement contre Elyès Fakhfakh et son gouvernement, en activant « l'alliance possible » avec Qalb Tounes et les appels à « un gouvernement d'unité nationale » ! Dans la foulée le congrès que certains attendaient pour en découdre avec leur chef est repoussé au calendes grecques et l'armée « bleue », sur les réseaux sociaux, a de quoi se mettre sous la dent. Rached Ghannouchi est-il meilleur tacticien que stratège, il va peut-être nous livrer une réponse les prochains jours. A suivre !