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Tabous et fausses pudeurs
Publié dans Le Temps le 30 - 05 - 2020

Le drame de Hajeb Laâyoun, massivement présent sur la toile, mais parcimonieusement tu par les autorités officielles-en dehors des chiffres de l'hécatombe-remet au (mauvais) goût du jour ce débat d'arrière-garde tenant aux tabous religieux, aux fausses pudeurs et l'exégèse du rapport de la religion à l'alcool. Certes, les édictions de la Chariâa sont claires : la consommation d'alcool est expressément interdite dans la religion musulmane. Mais, de tout temps, l'Etat a toujours coupé la poire en deux par l'entremise de la liberté du culte et, donc, la liberté de ne pas se soumettre aux rites religieux dans leur côté rigoriste, tout en veillant à protéger la quintessence du sacré et à réprimander tout acte lui portant atteinte. L'Etat est le garant de la religion en somme. La constitution de 1959 proclamait dans son article phare que la Tunisie est une République et que sa religion est l'islam. Et, malgré toutes les manœuvres pour le reformuler autrement, à la rédaction de la deuxième constitution de la République, cet article a été reconduit. Il s'agit, en fait, de laïcité, et de rapport intuitu-personae à la religion.
Or, par-delà les débats outranciers sur l'identité arabo-musulmane ressurgis avec la montée en puissance des partis religieux depuis la révolution et avec la déferlante salafiste, le drame de Hajeb Laâyoun ne tient pas à la consommation d'alcool. Mais, bien à la consommation d'alcool frelaté. L'autre face de la précarité sociale, de la pauvreté et de pans entiers de la population, ostensiblement exclus de toute dynamique de socialisation.
L'argument fallacieux
de «La ville sainte»
Cette pratique est du reste courante dans les zones déshéritées et, même, dans les grandes villes. Et, pourtant, les circuits de la contrebande existent partout. Et, même dans cette « Ville sainte » qu'est Kairouan, la ville d'Okba Ibnou Nafâa. Une ville où, au nom de la sacralité, il n'existe guère de points de vente agrées par l'Etat. Et c'est, d'ailleurs, le cas la plupart des gouvernorats tunisiens. Que reste-t-il ? La contrebande qui pratique des prix spéculatifs, sinon le recours aux alcools frelatés et meurtriers.
Et, d'ailleurs, dans la foulée du drame de « Hajeb Laâyoun, les services de l'Etat ont saisi 300 litres de « Legmi » alcoolisé (vin de palme) à Tozeur et 500 autres litres de ce vin de palme préparé à base d'eau de Cologne à Al Hancha, relevant de la délégation de Jebeniana, à Sfax. Le recours à ces formes de breuvage meurtrier n'est pas nouveau. Comme l'est le recours au fameux « subitex » en référence à « la soubia », c'est-à-dire la seiche, très répandu dans les quartiers populaires.
Se focaliser sur la seule ville de Kairouan, brandir l'argument de « ville sainte » induisant un effet coercitif sur « la légalisation » de l'alcool, ne sert, en fait, qu'à marginaliser la problématique. Et, d'ailleurs, Tarek Fettiti, deuxième vice-président de l'ARP, l'élu de Kairouan, n'a pas été très inspiré d'adresser des remontrances au ministre de la Santé, lui reprochant de ne s'être pas rendu au chevet des victimes hospitalisées. Pour lui, Abdellatif El Mekki en est conditionné par sa religiosité, avant de déclarer que « la Tunisie est un Etat civil et que c'est là notre réalité. »
Ses propos auraient eu plus de punch s'il avait posé le problème dans sa globalité. Pourquoi, et au nom de quelles saintes pudeurs, au nom de quelles hypocrisies tenant au sacré, des régions entières en Tunisie sont-elles dépourvues de circuits légaux de distribution d'alcool ? Pourquoi toutes les licences d'alcool (bars, restaurants, hôtels) sont-elles concentrées dans le grand Tunis et sur les régions côtières ? Oublie-t-on ce qui s'est passé à El Jem, théâtre d'actes de vandalisme et de manifestations en masse, à cause de l'ouverture d'un débit légal d'alcool ? Qu'a fait l'Etat ? Il s'est tout bonnement rétracté, cédant à la pression et mettant à mal sa propre laïcité, face au conservatisme hypocrite de la société. Un précédent en tous les cas.
Cette « abdication » n'aura fait qu'attiser le discours identitaire et, pour tout dire, l'éthéromanie, c'est-à-dire l'appui instinctif sur la religion. Ce fonds de commerce religieux dont use Adel El Elmi et cette armada d'imams prédicateurs et intégristes qui confondent sciemment entre religion et salafisme (en 2017, ils se sont même organisés en mouvement, aussitôt contré par les pouvoirs publics). En fait, c'est un choix à faire : interdire l'alcool partout ou le vendre partout. Et, que l'on ne vienne surtout pas parler d'impératif touristique. Parce que, plus en ferme, et plus les circuits parallèles foisonnent. C'est le cas, tenez-vous bien, de…l'Iran !
« Premier pays
arabe consommateur d'alcool » !
Toutes les facettes de la schizophrénie sont là, en effet. Dans un rapport publié en 2016 par l'Organisation mondiale de la Santé (L'OMS), on y découvre que la Tunisie est le premier pays arabe consommateur d'alcool. La moyenne est de 26, 2 litres par an et par habitant. Bien plus de ce que ne consomment, en moyenne, les Italiens et autres français. Dans un rapport vraisemblablement établi par les autorités tunisiennes et relayé par des médias tunisiens et étrangers, on découvre que les Tunisiens ont consommé en 2018, 1,8 millions d'hectolitres de bière. Donc, les 68% de consommation globale d'alcools. Derrière, arrive le vin avec 28%, dont les 80% sont consommés par les touristes. Les alcools forts, eux, se limitent aux alentours des 4%. C'est ce qui a inspiré cette formule à l'un de ces supports : « La Tunisie est un pays schizophrène, moderne et conservateur à la fois ». Et si on y ajoute un autre tabou qui s'appelle sexe, la schizophrénie devient un signe tout à fait distinctif.
Et cela ne s'arrête pas là. Depuis la révolution, avec, pourtant Ennahdha toujours aux commandes, les gouvernements qui se sont succédé ont attribué cinq fois plus de licence d'alcool que n'en a consenti le régime de Ben Ali en 23 ans de règne. On a vu ainsi pousser une autre génération de « lounges », de bars huppés, de restos-disco, de boites de nuit dans les hôtels. Sauf que le cahier des charges, vieux de 40 ans est resté obsolète et n'en a pas moins continué à favoriser le Grand Tunis et les régions côtières. La loi de finances de 2016 a même entrepris de baisser la taxe sur les alcools forts, pour mieux contrecarrer le marché parallèle qui s'accaparait les 90% du marché total. Oui, mais le problème est resté posé pour plusieurs zones de l'intérieur du pays. Peut-être, les pouvoirs publics ne veulent-ils pas provoquer le diable. Peut-être aussi qu'une fausse évaluation leur fait croire que le conservatisme est implacable dans ces contrées…
En tous les cas, le drame de Hajeb Laâyoun fait ressurgir toute la problématique et toute cette schizophrénie. La double casaque permet un certain équilibre, certes. Ça, c'est néanmoins le problème de l'Etat. La société, elle, reste en proie aux tiraillements. Entre ses croyances, ses dogmes et sa quête de liberté…Se voiler la face, c'est rajouter à sa schizophrénie.


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