C'est un exercice démocratique. C'est également une urgence pour auditionner le Président du Parlement suite aux dépassements de ses prérogatives. C'est par contre de la politique politicienne. Peu importe l'attribut, entre autres la qualification de la séance plénière observée hier à l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), les tractations, les accusations mutuelles, les interventions à hautes voix, mais surtout l'acharnement entre députés n'ont pas fait défaut, comme prévu. Mais que ce passe-t-il à l'ARP ? «L'éviction de Rached Ghannouchi, est une urgence d'ordre national », répondait Abir Moussi, Présidente du Parti Destourien Libre (PDL). Pour elle, le chef des « Khouanjia » (un terme qu'elle utilise souvent pour qualifier tout mouvement islamiste en Tunisie ainsi qu'ailleurs), n'a pas sa place à la tête du Législatif. Exercice démocratique ? «La motion pour le retrait de confiance au Président de l'ARP, circule encore. Autant de députés sont intéressés pour signer cette motion », dit-elle. Une simple vérification auprès des signataires fait apparaître seulement 27 signataires à 14H00 précise. Les autres blocs parlementaires refusent cette motion. Ils demeurent réticents à l'éviction du Président de l'ARP. « Ils assument leurs responsabilités historiques. L'agenda de Rached Ghannouchi est clair. Elle est surtout alignée à des agendas des pays étrangers », explique Abir Moussi. Les réponses des autres blocs parlementaires n'ont pas tardé. Celle du parti Qalb Tounès s'est manifestée à travers un point de presse. Un point de presse que le Président du Bloc de Qalb Tounès, Oussama Khélifi, avait consacrée à l'attaque du gouvernement sans mentionner clairement le rejet de l'éviction de Rached Ghannouchi. « La position de Qalb Tounès est claire. Rached Ghannouchi a commis une faute et il doit s'excuser. Avant d'évoquer son éviction, il faut l'écouter. Il est par contre assez tôt de parler d'un scénario de retrait de confiance », explique Fouad Thameur, député de Qalb Tounès. Même constat, enfin presque, observé chez les autres blocs parlementaires. Bien que les motifs diffèrent, le Bloc Démocratique et celui du Mouvement du Peuple, critiquent vivement les dépassements de Rached Ghannouchi, mais rejettent son éviction. « Cette Plénière est tout d'abord un exercice démocratique. Elle est également une occasion pour auditionner le Président du Parlement. Une occasion également pour débattre la diplomatie parlementaire. Le courant démocratique n'est pas, pour l'éviction du Président de l'ARP, en relation avec la motion du PDL. Nous sommes ainsi, contre toute alliance que ce soit avec la partie Turco-qatarie ou encore avec l'Arabie saoudite, l'Egypte et les Emirats-Arabes », explique Hichem Ajbouni, Président du bloc Démocratique. Différents sons de cloche Khaled Krichi, responsable du Mouvement du Peuple explique, explique pour sa part, que « cette plénière est consacrée à l'audition du Président du Parlement qui se veut à la fois Président de l'ARP et Président de la République. A vrai dire, sa politique est alignée à celle adoptée par l'alliance Turco-qatarie. C'est un crime qu'il a commis ». Il précise encore que l'éviction de Ghannouchi, va engendrer une crise politique qui va même affecter l'équipe gouvernementale. « La guerre contre le covid-19 ainsi que la situation socio-économique nécessite une stabilité parlementaire et surtout gouvernementale. Le gouvernement actuel a réussi le pari de la lutte contre le corona virus. Il mérite une stabilité pour entamer les chantiers socio-économiques », explique-t-il. In extenso, il dit qu'Ennahdha « assise entre deux chaises. D'une part, elle est présente dans la coalition gouvernementale. De l'autre, elle fait le rôle de l'opposition au Parlement, via une alliance avec Qalb Tounès et le collectif Al Karama ». De toute les manières, la plénière réservée à l'audition du Président de l'ARP et à la diplomatie parlementaire a démarré deux heures après son horaire fixé par les services de l'ARP. Les tractations ont commencé aussitôt avec une « bousculade » entre deux députés de la mouvance islamistes. Elles se poursuivirent en dehors de la salle plénière. Dans le hall principal de l'annexe (ancien siège de la Chambre des conseillers), les vas-et-viens n'ont pas manqué. La buvette était également pleine et les députés ont quitté leurs sièges pour une petite collation. De telle façon que certains parmi eux ont raté leurs tour d'interventions. Et quelles interventions ? Des rassemblements ont eu lieu devant les locaux où se déroulait la réunion et le député du bloc démocratique, Mongi Rahoui, a expliqué qu'ils visaient à soutenir les appels au retrait de la confiance au président du parlement, Rached Ghannouchi. Protestations contre Ghannouchi «Le président du parlement et du mouvement Ennahdha n'a pas respecté les constantes de la légalité, comme il a mis en péril la sécurité du pays à cause de son ingérence dans le conflit militaire en Libye», a-t-il accusé. Des dizaines de citoyens s'étaient rassemblés devant le bâtiment annexe de l'ARP, au milieu d'un dispositif de sécurité musclé. Dans une publication postée sur le réseau social « Facebook «, Mongi Rahoui avait appelé à un rassemblement de protestation devant le bâtiment annexe de l'ARP. «Que demain (Hier, NDLR), mercredi 3 juin, soit la journée du rejet populaire de toute tentative d'impliquer le pays au cœur du conflit libyen», a-t-il écrit. Les députés discutaient la situation de la Libye, les alliances internationales. Un simple récit et un simple discours qui appellent à une solution proprement libyenne. Les députés d'Ennahdha s'attaquent à leurs rivaux. Ceux du PDL ont préféré rejoindre un sit-in qu'ils ont décidé le jour même. D'autres ont quitté l'endroit. Et les initiatives pour convaincre Rached Ghannouchi à faire son mea-culpa ont échoué. Entre temps, c'est la gabegie….