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«La grande majorité de mes textes fait la part belle aux femmes»
Publié dans Le Temps le 03 - 07 - 2020

S. Elie Kouaho Liazéré possède plusieurs cordes à son arc. Nous avons pris attache avec lui pour son côté dramaturge, d'autant plus qu'une de ses pièces, à savoir «La fille du Bistrot», a été présentée lors des dernières Journées théâtrales de Carthage, et que nous avons pu voir «Lumumba ou les martyrs du Pondoir», à l'occasion du Marché des Arts du Spectacle d'Abidjan (MASA 2020). Rencontre...
LE TEMPS : Vous êtes professeur de français. Alors que la plupart des profs de français optent pour la rédaction de romans, vous avez choisi la dramaturgie. Pourquoi ?
S. Elie Kouaho Liazéré : Oui, je suis professeur de français de formation, mais j'ai eu la chance de faire du théâtre avec des grands maîtres tels que les dramaturges et metteurs en scène ivoiriens Bernard Zadi Zaourou créateur du «Didiga moderne ou l'art de l'impensable», Kwahulé Koffi, le metteur en scène Kourouma Moussa, et côtoyé des acteurs de renom en l'occurrence Bienvenu Neba, Bitty Moro, Sijiri Bakaba, Matthieu Attawa, Albertine N'guessan, Ida Houe, Dr Jeanne Bana, Cyprien Touré, Aboubacar et Niangoran Porquet, créateur de la «Griotique», etc.
Aujourd'hui, je suis Inspecteur général de théâtre, professeur d'études théâtrales et cinématographiques au Département des Arts à l'UFR Information, Communication et Arts (UFRICA) à l'Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody (Abidjan). Par ailleurs, je me suis essayé au roman à travers un ouvrage que j'ai intitulé « La légende du petit Pharaon » qui m'a sans doute valu le 2ème prix d'Excellence de littérature, en 2018, au niveau national, pas mal non pour un débutant !
Lorsque vos pièces sont mises en scène par d'autres avez-vous un droit de regard ou leur laissez-vous la liberté d'adaptation ?
En général, je laisse faire et n'interviens qu'à la fin du travail et à la demande du metteur en scène parce que, pour moi, la mise en scène est un art à part entière qui porte le savoir-faire, le ressenti, la culture et l'imaginaire du créateur qu'est l'interprète. Le travail qu'il entreprend relève de sa responsabilité. Responsabilité esthétique et organisatrice du spectacle. En effet, dès lors qu'il décide de créer la pièce, il lui revient de choisir les comédiens et d'utiliser les possibilités scéniques à sa disposition. Mais mon regard est toujours celui qui s'efforce d'oublier son propre texte pour mieux découvrir l'écriture scénique proposée. Celle-ci pouvant s'avérer enrichissante du point de vue artistique technique et idéologique pour le dramaturge.
«La fille du bistrot», qui a été présentée en Tunisie aux Journées théâtrales de Carthage 2019, fait allusion à un moment douloureux de la Côte d'Ivoire. Pourquoi avoir écrit cette pièce ?
L'histoire de «La fille du bistrot» est une parcelle de la crise militaro-politique de la Côte d'Ivoire vécue par Liazéré. Elle a été écrite dans la continuité de «La complainte d'Ewadi» Editions Lansman. En tout état de cause, chacune d'elles rend compte d'un aspect spécifique de la tragédie qu'ont connue les populations de la Côte d'Ivoire entre 2002 et 2011. S'agissant particulièrement de «La fille du bistrot», elle pose le problème lancinant des forces d'interposition en Afrique ou ailleurs où elles interviennent avec beaucoup de partialité et cela avec les conséquences graves qui en découlent pour les populations. La réalité est parfois plus cruelle que la fiction, et en essayant de la rendre dans mes textes, j'estime que je suis resté à la périphérie parce que d'autres ont vécu cette guerre civile beaucoup plus cruellement dans leur chair que moi. Cependant, aucune contribution n'est de trop pour faire prendre conscience aux hommes politiques des effets ravageurs de leur choix sur le destin des autres hommes et des nations qu'ils prétendent diriger.
Deux personnages dans cette pièce : un homme et une femme. Une sorte de couple ou de duo contraire mais qui lutte chacun pour une cause qu'il pense juste. Est-ce pour montrer qu'homme ou femme, chacun a des idéaux ou doit avoir des idéaux à défendre ?
De mon point de vue, l'homme et la femme doivent revendiquer librement leur humanité dans la complétude de ce qui fait leur différence. C'est ce qui fait la grandeur de l'humain avec grand H. Chacune des entités humaines doit nécessairement jouer sa partition dans l'évolution du monde. La question est si sérieuse qu'on ne peut en laisser la responsabilité à une seule. C'est à juste titre que la grand majorité de mes textes fait la part belle aux femmes, d'abord parce qu'au moment où j'ai commencé à écrire, il y avait au théâtre très peu de pièces dédiées aux femmes voire très peu de comédiennes en Côte d'Ivoire, dans les années 80 (ma première pièce «Dr Grand'Afrique» rebaptisée «Les convives de Maison-Sapézo», Editions Balafons Abidjan, date de 1984). Mon objectif était de rééquilibrer les choses et donner la parole aux femmes. Ainsi des pièces comme «La Complainte d'Ewadi», «Les clameurs du lac sacré» monodrames, «Les sanglots de la rue princesse», «Destination Boribana» et naturellement le duo, «La fille du bistrot», sont portées à bout de bras par des personnages femmes à forte personnalité pour réclamer leur part de responsabilité dans la construction politique et sociale d'un monde plus supportable.
Cette fille du bistrot peut symboliser la force féminine, que certains «machistes» tendent à minimiser. Mais avez-vous voulu donner une autre ou d'autres significations à ce personnage ?
Bien sûr, mon choix n'est pas seulement idéologique. Il comporte une dimension esthétique qui influence la mécanique du texte dans son écriture. A ce niveau, la présence de la femme par sa féminité (qui constitue une force considération, niant la notion de sexe faible) apporte plus de flexibilité, de variations et de beauté dans l'expression des pensées profondes, philosophiques et de l'émotivité. Pour ma part, les comédiennes, quand elles le veulent, réussissent à conférer aux personnages qu'elles incarnent l'humanisme non pas seulement comme idéal à atteindre mais surtout comme outil de construction artistique de l'œuvre dramatique portée jusqu'à la sublimation.
Dans votre pièce «Lumumba ou les martyrs du Pondoir», que nous avons eu l'occasion de voir au MASA 2020, est sur l'un des hommes forts qui ont voulu libérer l'Afrique du joug colonial. Pourquoi avoir choisi précisément Lumumba ?
J'ai choisi d'écrire sur Patrice Emery Lumumba parce que j'ai été marqué par son histoire. En effet, je n'étais encore qu'un gosse (1960-61) lorsque j'ai entendu parler de ce grand homme que mes parents adulaient pour son combat au Congo Belge et surtout de son assassinat. Patrice Lumumba, et deux de ses ministres Joseph Okito et Maurice Mpolo furent destitués par un coup d'Etat militaire, préparé avec l'aide du pouvoir colonial belge, les Etats-Unis et autres Etats européens du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-Unies, et assassinés par balles, sans le moindre procès, et jetés dans une fosse commune. Pour effacer toute trace de l'homme et son combat, son corps et ceux de ses compagnons d'infortune en furent extirpés, débités en morceaux avant d'être dissous à l'acide sulfurique. Mais vous imaginez, cinquante-neuf ans après son assassinat, le 17 janvier 1961, sept mois à peine après l'accession de la République du Congo Belge (Aujourd'hui République démocratique du Congo), l'ex-Premier ministre de cet Etat conserve, au-delà de sa mort, une place à part, en tant que symbole indiscutable de la volonté d'émancipation des peuples autrefois sous domination coloniale. En tout état de cause, la mort de ce grand militant de la conscience africaine qu'est Lumumba l'a fait entrer dans la légende.
Vous faites parler Lumumba. Avez-vous utilisé des sources historiques ou avez-vous imaginé ce que ce grand homme aurait pu raconter de sa vie ?
Les deux. Je me suis appuyé sur les faits de l'histoire pour inventer une fiction. Ecrire une pièce de théâtre, un roman ou une nouvelle, c'est mettre en rapport le vécu du créateur et son imaginaire, son savoir et son intuition créatrice. L'histoire du personnage de Lumumba s'inscrit au début d'une longue et patiente investigation. Celle-ci m'a permis de transpercer les interstices de la réalité historique pour créer des situations, des enjeux, des complexités de jeux entre la vérité et l'imaginaire pour aboutir à une richesse de matériau comme moyen non seulement de transmettre au lecteur-spectateur ma vision du martyre de Lumumba et ses compagnons, mais encore de l'émouvoir durablement.
Qu'est-ce que le «Pondoir» ?
Dans mes investigations, j'ai relevé que Lumumba destitué par le colonel Joseph-Désiré Mobutu, un de ses compagnons, il avait été livré avec ses compagnons par les hommes politiques de Léopoldville aux sécessionnistes katangais de M. Moïse Tschombé. Arrivé sur place, la jeep qui les transportait les conduisit vers une maison appelée villa «Le Pondoir», propriété du colon belge Browez.
Là, le Premier ministre fut abattu dans des conditions restées inconnues, et son corps disparut. Pour moi le nom ne pouvait pas mieux tomber pour symboliser le degré de souffrance que les ennemis de l'Ex-Premier ministre lui ont administré.


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