Le rapport préliminaire de l'instance d'inspection générale des services publics autour des soupçons de conflit d'intérêt et des marchés conclus entre le Groupe VALIS et l'Agence nationale de gestion de déchets (ANGED) a été rendu public vendredi 17 juillet 2020. Une date qui restera dans les mémoires. Maintenant que le pot-aux-roses est dévoilé, peut-on, encore, parler de lutte contre la corruption, dans ce pays exsangue où chacun tire sur la couverture, pour se remplir les poches, aux dépens des intérêts publics, où on utilise les opérations de corruption comme moyen de chantage, pour avoir mainmise sur le pouvoir et où la justice, elle-même, est devenue injustice, au service des plus nantis et aux dépens de tout un peuple. Le rapport « préliminaire », comme on veut le qualifier a été reçu comme un coup de tonnerre, dans un ciel déjà très sombre, depuis l'aube de la Révolution. Les accusations ont été portées en termes voilées, mais on ne peut pas cacher la vérité, surtout que les actes, les intentions et les manœuvres sont plus dilatoires. Et on se demande comment Elyès Fakhfakh ait pu accepter d'être chef du gouvernement, alors qu'il sait qu'il a des choses à se reprocher dont, surtout, en premier lieu le fait qu'il n'a pas inclus ses actions dans le groupe VALIS, dans la déclaration de son patrimoine. Il y a, aussi, ce Noureddine Bhiri qui est accusé de maitriser, jusqu'à maintenant, de nombreux rouages de l'Etat –en particulier la justice et la magistrature-, qui était au courant de ces malversations et qui a tenu le dossier secret, juste pour faire du chantage à Elyès Fakhfakh. Sinon, pourquoi ne l'a-t-il pas dévoilé qu'après le refus du chef du gouvernement de se plier aux exigences du mouvement islamiste Ennahdha, alors que, s'il était, vraiment, honnête, il aurait dû le faire bien avant ? Le dossier d'accusation a été bien ficelé par l'Instance d'inspection générale des services publics qui confirme que le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, détient totalement ou a des participations dans cinq sociétés (Vivan, Vit, Standard Conseil, et Immo) ainsi qu'une société anonyme, NPS-SA. Le rapport de 70 pages a porté sur les transactions d'Elyès Fakhfakh avec l'ANGED, et a vérifié la régularité des consultations et des appels d'offres portant sur les études d'exploitation des décharges contrôlées, et des centres de recyclage qui en relèvent lancés par l'Agence pendant la période 2012 – 2020. Le rapport a vérifié la légalité d'octroi des marchés, les conditions dans lesquelles ils ont été octroyés, et la transparence des transactions. Il s'est attardé sur les marchés conclus entre la société VALIS et l'ANGED et a relevé plusieurs irrégularités en la matière, s'agissant notamment du non-respect des clauses prévues dans le cahier des charges. Le rapport préliminaire est sans appel. Il y a bien eu des infractions. Sur ses 70 pages, le rapport parvient à la conclusion que l'offre de ce groupement aurait dû être exclue puisqu'elle ne répondait pas aux conditions de participation et qu'elle n'a pas présenté les garanties requises. La commission d'évaluation des appels d'offres l'a considéré comme conforme des points de vue technique et financier, en opposition avec les principes généraux des marchés publics, ajoute le rapport. Le conflit d'intérêt est d'autant plus indiscutable que la personne ayant présidé la commission d'évaluation des offres dans ce dossier a été promue fin juin aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de gestion des déchets (ANGED), selon le même rapport. Du moment que le conflit d'intérêts est avéré, le chef du gouvernement démissionnaire peut-il rester en fonction pour expédier les affaires courantes. En bonne logique il devrait remettre son poste à un des ministres de son gouvernement comme ce fut le cas lorsque son prédécesseur Youssef Chahed s'était présenté à la dernière élection présidentielle. La moralisation de la vie publique dont il veut être le champion l'exigerait. Ce qui est suspect, c'est qu'Elyès Fakhfakh est sous les feux de la rampe, depuis bien longtemps, en étant un homme d'affaires connu qui avait, même brigué la présidence de la République, en présentant sa candidature dans les élections gagnés par Kaïs Saïed, le président de la République actuel. Il était censé avoir présenté une déclaration sur son patrimoine, en tant qu'homme d'affaires, d'homme politique, membre d'un parti (Ettakattol pour le travail et les libertés), candidat à la présidentielle et chef du gouvernement, depuis les dernières élections. Si ce rapport a enfoncé le clou, il faut attendre un autre qui devra être rendu public autour du même sujet par l'Instance d'inspection financière. Et là, ce serait une autre paire de manches. Mais, qui sait ? F.S.