Dans un bref point de presse récent, le chef du gouvernement Hichem Méchichi a assuré qu'il n'y aura pas de confinement général, comme c'était le cas au mois de mars dernier. Une déclaration qui a fait exploser les réseaux sociaux en des centaines de commentaires faisant état d'un accès d'inquiétude voire de panique face aux nouvelles péripéties de l'épidémie du coronavirus. S'il est désormais acquis que l'Etat ne dispose pas des moyens suffisants pour faire face à la situation actuelle, le rythme de la prolifération du virus au niveau de toute la planète fait que le problème est bel et bien mondial, qu'il dépasse les moyens du moment à cette échelle même, et qu'il est grand temps d'arrêter avec cette campagne d'autoflagellation et de catastrophisme que les Tunisiens ont adoptée depuis le mois de février dernier. Dans tous les pays du monde, les courbes des personnes atteintes et des morts connaissent un pic jamais atteint jusqu'ici. Les médias et les réseaux sociaux semblent être à l'origine de la panique « régnante», devenue elle-même un impact, presque une fin en soi d'une campagne où la pandémie n'est que le moyen contingent. Le mythe de la «deuxième vague» Parmi les termes qui sous-tendent cette campagne, l'évocation d'une «deuxième vague», est un concept complètement erroné et sans fondement logique ou scientifique. Car, parler de deuxième vague suppose au préalable l'éradication objective de la « première vague », ce qui n'a pas été le cas dans aucune zone de la planète. Il s'agit plutôt d'une recrudescence épidémique, consécutive à une accalmie provisoire, de deux mois au plus, dont les causes ne sont pas encore élucidées ou mises en évidence. Dans ce contexte, il serait souhaitable que les médecins tunisiens non spécialistes en matière d'épidémiologie s'abstiennent de publier leurs «points de vue personnels» sur les réseaux sociaux. D'autant plus que certains d'entre eux sont en train de commenter négativement le travail, laborieux de par ses moyens et ses effets immédiats, de structures officielles rompues, non pas à l'éradication du mal, mais simplement à organiser la lutte contre cette pandémie. Normalement, l'éthique médicale à elle seule doit justifier leur abstention. De même, il serait plus indiqué, pour la corporation qu'ils représentent, de présenter leurs idées et expériences lors de cercles de discussions, de séminaires ou autres forme de « lutte académique » contre le fléau. Cette aberration est d'autant plus regrettable en ces circonstances d'urgence sanitaire absolue, que certains commentaires ou statuts sentent le politique, le commercial et autres domaines moins sacrés que la médecine d'Hippocrate. Ceci dit, on ne sait pas, en ce faisant, quel statut ces médecins se donnent dans les batailles qui rongent le monde des médicaments et des vaccins à l'échelle planétaire. Quel intérêt aurons-nous à défendre les thèses de telle ou telle firme pharmaceutique contre ses concurrentes, sur un produit qui n'a pas encore vu le jour ? Le matraquage médiatique en question Encore plus incompréhensible est la pratique de certains de nos médias audiovisuels, où les plateaux quotidiens sont meublés à 80% du coronavirus, ressassant chaque jour un matraquage qui commence par les chiffres actualisés des atteintes et des morts, suivis de commentaires et de déclarations parfois à la lisière du charlatanisme le plus ridicule. Sans oublier le chapelet des «insuffisances» des services sanitaires face à l'épidémie. Un dicton français veut que «toute volonté de croire est une raison de douter». Certains invités des matinales n'ont avec le virus qu'un rapport lointain. Le confinement étant toujours sujet à controverse au niveau mondial, on voit mal un «agent économique» tunisien crier scandale à la décision du gouvernement, que celle-ci porte sur le confinement ou le déconfinement. Plus de six mois après le déclenchement de la crise, la Tunisie, malgré la situation chaotique de son économie, de son secteur public et de ses institutions «encore provisoires» s'en est plutôt bien sortie, avec un nombre de victimes encore minime, par rapport à la mortalité moyenne dans le pays. Entretemps, le pays aura vécu six mois avec le confinement (y compris le peu de conscience initial), au cours desquels la simple logique veut qu'il ait développé un début d'immunité collective face à ce fléau. Et c'est peut-être la cause majeure ayant motivé la déclaration du chef du gouvernement, selon laquelle aucun confinement général n'est envisageable, du moins dans les mois à venir. La recette est pourtant facile : Port du masque, aseptisation des mains, et distanciation. Le reste, chez nous ne sera que commerce ou politique. Sur ce, il serait plus judicieux pour nos médias, nos partis politiques et nos institutions civiles, y compris les corporations médicales et paramédicales, de se consacrer à d'autres thèmes éminemment plus « rapporteurs », comme par exemple le suivi sans relâche des mouvements anarchiques frappant les phosphates et le pétrole, le gouffre financier de la RNTA, livrée à la contrebande, la rentrée scolaire profondément déstabilisée par la pandémie, l'agriculture qui peine à amorcer une rentrée prometteuse etc. Qu'on le veuille ou non, le bilan du coronavirus sera proportionnel au niveau de civisme de chaque population, plus qu'à la démographie. Le problème est donc culturel. J.E.H.