‘'Mémoire ‘' ou quand les souvenirs flous d'une histoire de viol à qui on a intimé silence et déni sortent au grand jour et deviennent broyeurs de vies... ‘'Mémoire'' ou la satire des pouvoirs construits sur la peur et la torture... C'est bien évidemment le propos de cette pièce de théâtre donnée deux jours de suite à la Cité de la culture. Une pièce qui signe le retour en force du couple artistique Sabah Bouzouita et Slim Sanhaji. Kenza le personnage protagoniste est emprisonnée et torturée pour un crime qu'elle n'a pas commis. Plusieurs années plus tard, elle se retrouve incapable d'oublier. La dictature faisait régner la terreur : suspension de toutes les libertés, réglementations oppressives et contradictoires. ..Dans cette violence de situations qui ne dit pas son nom, Sabah Bouzouita, la figure féminine de la pièce se retrouve confrontée aux démons de l'aliénation. Son mari un avocat ambitieux est trop lâche pour sortir son épouse de l'abîme, encore moins un brave homme pour protéger sa femme et la défendre lorsqu'il était membre d'un comité créé pour réparer les victimes de la dictature. Elle décide alors de se faire justice en faisant le procès d'un tortionnaire, d'un mari et d'une société, tous complices de son préjudice morale et des souffrances physiques qu'elle a endurées. Le couple vit dans une maison à l'écart du reste du monde lorsqu'il reçoit la visite d'un inconnu. Kenza (Sabah Bouzouita) reconnaît en lui son ancien tortionnaire dans le déni total de son mari avocat. Les trois personnages se retrouvent enfermés dans un seul espace théâtral déconstruit troquant la scène classique à une simple estrade qui trône à l'intérieur d'une salle vide. Seuls quelques sièges alignés en longueur délimitent l'espace, rappelant le décor déprimant d'un établissement hospitalier ou peut être bien celui d'un asile psychiatrique caché des regards par le voile de la honte au sens propre et figuré. Un jeu de langage Justice et devoir de mémoire est le maître mot de cette pièce de théâtre qui se joue des contradictions : innocence et perversité, honneur et vengeance ... tout se mêle et s'entrelace dans un jeu de langage qui fait de la victime un bourreau. A noter que la pièce de théâtre s'inspire d'un texte d'Ariel Dorfman en 1992, ‘'La jeune fille et la mort'' qui raconte les affres subis par les victimes des tortures en Amérique Latine. Une allégorie de la dictature qui par là ne perd en rien de son actualité. Edifiant et salutaire. M.B.G.