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Interview de Mansour M'henni : « Tahar Chériâa, une expérience citoyenne du passé à même d'informer l'avenir »
Publié dans Le Temps le 25 - 12 - 2020

A l'occasion de la tenue des JCC, nous avons contacté M. Mansour M'henni, grand ami du défunt Tahar Chériâa, fondateur des JCC, l'ayant côtoyé pendant toute sa carrière culturelle et artistique. Mansour M'henni est professeur émérite, écrivain, chercheur, traducteur et homme des médias. Il est l'initiateur du concept « Nouvelle Brachylogie ». Il fut président directeur général de l'établissement de la Radio, le premier directeur de l'Institut supérieur des langues appliquées en affaires et tourisme de Moknine, avant d'être nommé directeur de « Canal 21 ». Depuis 1975, il a collaboré avec plusieurs journaux et médias dont notamment « Tunis-Hebdo », « Le Temps », « Le Renouveau », « la Presse » et la Radio. Il a également participé à la création de plusieurs associations en Tunisie et à l'Etranger. Entretien :
Le Temps : Vous étiez, Si Mansour, très proche de Tahar Chériâa. Quels souvenirs et quelle image gardez-vous de ce grand homme ?
Mansour M'henni : J'avoue qu'il y a une série d'images qui balisent ma relation à feu Tahar Chériaa. La première remonte au début des années soixante du siècle dernier quand je le voyais devant le bureau de mon instituteur, que je considère toujours comme un père spirituel, feu Ahmed Gacem M'henni (alias Hassen Gacem), tout trois assis à l'ombre de trois ou quatre eucalyptus aujourd'hui disparus : lui, si Hassen et feu Mohamed Sghaïer Kerkeni, l'imam de la grande mosquée du village. Je ne me souviens pas avoir vu alors Tahar Chériaa sans un livre à la main, aussi inséparable de lui que sa fameuse pipe.
Puis c'est l'image de Tahar Chériaa au cinéma le Mondial animant des débats de films dans le cadre des projections du ciné-club de Tunis. Ensuite, c'est son plaisir d'animer des séances de discussion auxquelles je l'avais invité soit dans le cadre du Festival de la Pêche de Sayada quand j'en étais le directeur, en 1990, soit dans le cadre du Festival des arts de la ville que j'avais fondé (aujourd'hui disparu) dans le cadre de l'Association pour la Sauvegarde de la Ville de Sayada (que j'avais fondée difficilement en 1994 et qui a fait de très bonnes actions et qui est aujourd'hui endormie). Ce sont ces deux manifestations culturelles qui ont renforcé nos liens d'amitié au point qu'il ne pouvait plus rentrer à Sayada sans passer la plupart de ses soirées à discuter avec nous, un groupe d'intellectuels de la ville, dans un bureau personnel attenant à mon domicile, en guise de librairie, Shéhérazade. Moi-même, réinstallé à Tunis à partir de 2002 pour des raisons professionnelles, je n'hésitais pas à lui rendre visite chez lui à Ezzahra où on s'entretenait de tout dans une amitié inoubliable. Finalement, l'image de la fin, quand il m'a convoqué chez lui à Sayada, quelques jours avant son décès, deux semaines à peu près, pour me charger, deux témoins à l'appui, de sa bibliothèque à offrir à Sayada et de la réalisation d'un vœu profond, celui d'un club portant son nom et ouvert sur la sensibilisation, l'initiation et l'accompagnement de la jeunesse à la pratique et à l'intelligence audiovisuelles.
- Tahar Chériâa, le fondateur des J.C.C., nous a quittés il y a dix ans, et vous écrivez quelque part qu'on l'a trop vite oublié. Comment cela ?
- Je crois que la meilleure preuve de cet oubli, c'est l'expérience de la commémoration de la première décennie après sa mort. Nous avons très tôt attiré l'attention sur la possibilité de faire de cette commémoration une opportunité de réflexion et de prospection à partir des expériences passées, non pour cultiver le culte de la personnalité de Tahar Chériaa, comme d'aucuns seraient tentés de le croire, mais pour évaluer une expérience exemplaire afin d'y voir et d'en raisonner les effets et les causes des succès réalisés et des échecs enregistrés. Cette expérience ne manquerait pas d'inspirer et même d'instruire, à sa façon, les nouvelles générations à des modes d'engagement constructifs, dans l'indélébile amour pour la patrie et la conscience toujours ouverte sur la dynamique du progrès et de l'innovation.
En mars 2020, malgré le confinement, nous avons lancé le projet et présenté, aussi régulièrement que requis, les dossiers nécessaires pour demander des soutiens. Nous avons insisté que nous ne cherchions pas à occuper l'avant-scène de l'événement et que nous nous contenterions d'une modeste contribution dans une dynamique d'ensemble réunissant tous les concernés et tous les intéressés. Cela s'est fait au niveau du ministère des Affaires Culturelles, comme au niveau des autorités locales et du Club Audiovisuel Tahar Chériaa (CATaC), ce club que j'avais fondé dans la foulée du quarantième jour de la mort de T. Chériaa et qui a connu des déboires abracadabrants. Nous voulions, à l'occasion, que soit inauguré par le ministère de tutelle le rayon Tahar Chériaa dans la bibliothèque publique de sa ville natale et qu'une action de mise en valeur et en bon fonctionnement y soit entreprise. Nous voulions également ressusciter le CATaC dont le comité est en situation irrégulière et dont le compte bancaire est bloqué. Peut-être aussi aurions-nous inspiré à la municipalité de Sayada l'activation de l'application d'une décision déjà prise de donner le nom de Tahar Chériaa à une rue de sa ville natale. Personne n'a répondu à notre initiative et il serait inutile de souligner certains manquements éthiques et procéduraux en rapport à notre initiative. Heureusement, nous avons trouvé auprès de l'Institut Supérieur des Langues Appliquées de Moknine (Université de Monastir) les prédispositions et l'enthousiasme qui ont permis de réussir un beau et intéressant colloque dédié à la mémoire du défunt, les 16 et 17 décembre 2020, réalisé à cette date au lieu des 4 et 5 novembre en raison de la COVID-19. Heureusement aussi qu'à l'initiative du coordinateur du Forum Tunisien des Lumières, le journaliste et historien de la culture, Mohamed El May, la Cité de la culture, donc le ministère de tutelle, organisera en mars 2021 un colloque spécial Tahar Chériaa dont les actes seront publiés dans un livre à distribuer le jour du colloque.
- Vous rentrez d'un colloque organisé à Moknine en hommage à Tahar Chériâa. Que reste-t-il de cette manifestation en rapport avec le devoir de mémoire dû à l'homme et à son œuvre ?
- Le colloque de Moknine a pour titre « La Littérature tunisienne et la francophonie, l'être à soi et l'être avec ». Il était conçu en tant que participation à la commémoration du 50ème anniversaire de l'OIF (anciennement ACCT) dans laquelle T. Chériaa a occupé un poste de conseiller culturel, auteur de plusieurs dossiers contenant des analyses et des suggestions toujours valables et à même de continuer d'informer l'avenir. Cette coïncidence de deux échéances, autour du personnage Tahar Chériaa (car c'en est un), a regroupé un collectif associatif autour de l'action entreprise (QCA, ACAM, UET, AC-ISLA-Moknine). Ce qu'il en renterait, c'est d'abord ce colloque programmé pour mars 2021. J'espère qu'il débordera le cadre classique d'un colloque « clos » et qu'il sera accompagné d'autres actions complémentaires.
Il reste aussi de ce colloque la mise en valeur d'un aspect non moins important de la personnalité de T. Chériaa et de son œuvre que son action cinématographique, celui de son action littéraire. Le professeur d'arabe, parfaitement bilingue comme la Tunisie a su en produire surtout dans sa génération, il a écrit et un de ses romans attend d'être édité après avoir donné le scénario du film « Fatma, la négresse des Aurès » écrit par l'auteur. Il a d'autres écrits poétiques en arabe et en français qu'il serait bon de réunir et de faire connaître. Certains de ses écrits journalistiques sont des textes à même de figurer dans les produits d'un genre littéraire spécifique. Mais il y a aussi ses traductions dans les deux sens, notamment sa traduction de la poésie d'Anna Gréki et sa traduction du roman d'Ali Douagi « Périple dans les bars de la Méditerranée. » Il reste surtout de ce colloque que jamais de petites considérations conjoncturelles ne peuvent détruire la mémoire de l'intelligence trans-temporelle.
- L'édition 2020 des Journées Cinématographiques de Carthage vient de se clore. Mais pour les prochaines sessions comment, selon vous, la manifestation pourrait-elle être plus reconnaissante à l'égard de son fondateur ?
- Je ne sais pas s'il est permis de reprocher aux JCC de n'avoir pas intégré Tahar Chériaa dans la liste des noms auxquels elles ont rendu hommage. Sans doute les responsables ont-ils jugé les JCC quitte de ce devoir de mémoire en considération des hommages précédemment rendus. Je pense plutôt à un acte collectif que le ministère de tutelle pourrait initier et coordonner à partir du colloque de mars 2021 : faire renaître le CATaC de ses cendres (sous sa forme première ou sous une forme renouvelée, surtout qu'il a été créé comme une association nationale et non locale). En même temps ré-initier les Journées Audiovisuelles Tahar Chériaa (JATaC) dont la première édition s'est tenue à Sayada les 8 et 9 janvier 2011 et dont une seconde session allait se dérouler en janvier 2013, mais elle n'a pas eu lieu et l'idée n'a pas été reprise. Nous avons appelé les concitoyens de T. Chériaa à la reprendre en 2020, pour la commémoration, nous avons même communiqué un projet de programme, mais n'a pas semblé digne d'intérêt.
Donc ce projet de reprise se construirait autour de la Salle Tahar Chériaa, dans la cité de la Culture, et d'une fédération d'acteurs culturels de la société civile et des organisations nationales. La manifestation peut être biannuelle au départ. Sa structure d'ensemble serait à concevoir et à discuter par tous ceux qui y seraient impliqués. Ce serait une petite sœur des JCC.
- Comme vous, Si Mansour, Tahar Chériâa est natif de Sayada. Que prévoit-on dans cette ville pour y préserver indélébilement sa mémoire ?
- Ce n'est pas moi qui vous dirais ce que la ville natale de T. Chériaa prévoit pour « préserver indélébilement sa mémoire », moi j'y ai fait ce que j'ai pu quand j'y étais fixé et quand je pouvais y agir. Je ne peux donc que donner un avis si on me le demande. Mais je pense qu'en coordination avec le ministère des Affaires Culturelles, le rayon T. Chériaa de la bibliothèque devrait montrer un meilleur visage et gagner en rentabilité culturelle et intellectuelle. Je pense aussi à l'instauration d'une activité culturelle autour de ce rayon et en coordination avec le tissu associatif et les établissements scolaires. Sans doute aussi la concrétisation de la décision prise de donner le nom du défunt à une rue de la ville. D'autres idées peuvent survenir, à tous les intéressés, lorsque la bonne volonté se manifestera. En attendant, Allah yarham Tahar Chériaa.
Propos recueillis par H.K


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