Aujourd'hui, les Tunisiennes ont pleinement investi la scène picturale et plastique. Elles déclinent toutes les tendances de l'art contemporain et se placent dans le sillage fertile de la grande Safia Farhat. Aux lendemains de l'indépendance, une figure féminine tunisienne va émerger dans le monde pictural. Il s'agit de Safia Farhat dont les oeuvres nombreuses sont aujourd'hui réunies dans un musée qui porte son nom et se trouve à Radés, en banlieue sud de Tunis. Né en 1924 et décédée il y a une quinzaine d'années, Safia Farhat est une artiste essentielle et la pionnière incontestable lorsqu'il s'agit d'évoquer l'engagement des Tunisiennes dans le monde des arts. Avec plusieurs cordes à son arc, Safia Farhat est réputée pour son travail de peintre, de céramiste et de tapissière. Déjà en 1949, elle rejoignait les rangs du mouvement artistique de l'Ecole de Tunis qui réunissait entre autres les Yahia Turki, Abdelaziz Gorgi et Pierre Boucherle. Diplômée de l'Ecole des Beaux-Arts de Tunis, Safia Farhat deviendra une enseignante renommée puis la directrice de cette véritable institution. Artiste cardinale, Safia Farhat a laissé dans son sillage une profusion d'oeuvres allant des fresques aux vitraux en passant par tableaux et bas-reliefs. Elle demeure une racine incontournable dans la marche des Tunisiennes vers l'appropriation de la création plastique. A son image, l'artiste Shasha Guiga a également contribué à cette émancipation artistique des Tunisiennes en créant à la même époque des oeuvres qui elles aussi font référence. Une scène artistique très féminisée De nos jours, les femmes occupent les devants de la scène artistique. Héritières d'une longue maturation, elles ont investi les écoles des Beaux-Arts - actuellement au nombre de quatorze à travers le pays - et se sont installées dans le paysage pictural. De manière éloquente, les principales galeristes tunisiennes sont des femmes qui, avec succès, permettent à tous les artistes un rayonnement qui va au-delà des frontières d'un pays dont le marché de l'art reste relativement étroit. Ces galeristes se nomment Selma Fériani, Aicha Gorgi ou encore Semia Achour, Myriam Mestiri et Synda Ben Khelil. Animant la vie artistique, elles contribuent aujourd'hui à mettre sur orbite une nouvelle vague d'artistes. Avec une intuition que d'aucuns qualifient de féminine, ces galeristes ont ouvert de nombreux horizons aux artistes tunisiens qu'elles contribuent à diffuser vers l'Europe, l'Amérique et les pays du Golfe. Signe des temps, les deux principales galeries du service public de la culture sont aussi dirigées par des femmes, Sameh Habachi à la Maison des Arts et Souad Mahbouli au palais Kheireddine. Comment ne pas mentionner la pionnière Juliette Nahum qui, jusqu'aux années quatre-vingt, a ouvert les portes du Salon des Arts qu'elle animait, à tous les artistes tunisiens. Aujourd'hui encore, cette collectionneuse et fine critique est communément considérée en Tunisie comme la galeriste historique. Nouvelle génération et présence internationale Aujourd'hui, il existe une véritable profusion de femmes artistes. Qu'elles soient autodidactes, issues des écoles spécialisées ou formées dans les ateliers des artistes les plus réputés, ces femmes représentent plusieurs courants. Leurs oeuvres bénéficient d'un accueil remarquable en Tunisie et à l'étranger où elles sont présentes dans les salons et sur les cimaises des galeristes. Amel Bennys se distinguait récemment à New York où elle recevait le prix de la Fondation Pollock Krasner. Feryel Lakhdhar a acquis au fil des ans une notoriété parisienne et londonienne. Sadika Keskes sillone le monde avec ses oeuvres abstraites et ses installations d'art contemporain. Il serait de les citer toutes tant elles sont nombreuses. Leurs oeuvres sont venues amplifier la présence des arts tunisiens tout en consolidant le parcours de leurs aînées qui, comme Faouzia Hichri ou Maherzia Ghadhab, dans des registres différents, ont occupé la scène artistique des années antérieures. En Tunisie, les femmes artistes sont très nombreuses et leurs oeuvres sont désormais disséminées partout. Les générations se succèdent et les continuités artistiques trouvent de belles confirmations. Asma Mnaouar, Aicha Filali, Faten Rouissi ou Raja Aissa construisent ainsi des univers marqués par l'abstraction et l'expérimentation. Nadia Jelassi, Mouna Jmel Siala et Nesrine Elamine participent pleinement à cette dynamique des oeuvres. Dans les domaines de la photographie, de la sculpture ou de la céramique, il existe aussi de nombreux talents qui se conjuguent avec ceux des femmes designers, de plus en plus nombreuses à créer des passerelles entre art et artisanat. H.B