Le chef du gouvernement, Youssef Méchichi, a franchi, hier, le Rubicon et a annoncé la nouvelle composition de son équipe ministérielle, avec le remplacement de certains ministres. L'accouchement a été difficile, surtout avec le bras-de-fer, avec le président de la République qu'il avait rencontré vendredi, après-midi, et qui l'a poussé, selon les informations qui circulent, à changer quatre noms de la liste, comme mesure de dernière minute, pour avoir, en première étape, le feu vert de Kaïs Saïed. Méchichi a été obligé de faire le trapéziste, pour atteindre son objectif et « liquider » les ministres du président dont certains –il faut le dire- ont montré leurs limites et leur incapacité à gérer les portefeuilles dont ils étaient les dépositaires, sachant que le président n'avait pas joué franc jeu, dans leurs nominations où il y avait une odeur de « favoritisme » et d'allégeance flagrante. Dans ce nouvel arrangement, il semble que le mouvement islamiste Ennahdha se replace et marque des points, en insérant quelques « ministres » qui lui appartiennent, mais pas de manière flagrante, surtout que les nouveaux promus sont, dans leur majorité, indépendants, en quelque sorte, sauf preuve du contraire. Le premier cabinet Méchichi n'a pas fait long feu, dans une conjoncture nécessitant une stabilité. Il a la durée de vie la plus courte, par rapport aux autres gouvernements qui l'avaient précédé, avec des errements et un ministre régalien évincé, et un autre placé sous mandat de dépôt, en plus d'un troisième qui avait fait la fine bouche –le ministre de la Culture- en agissant à sa guise, et un quatrième qui a marqué son opposition à Hichem Méchichi. Maintenant, l'espoir est que ce nouveau cabinet ministériel puisse travailler dans la sérénité –bien sûr s'il passe le cap du vote de confiance, avec une Assemblée des représentants du peuple (ARP) divisée comme jamais. Recevant Méchichi, le président de la République a mis les points sur les i. Il a insisté sur "l'impératif de ne céder à aucune de forme de chantage". "Il a été convenu que le gouvernement serait composé de membres dont l'intégrité ne fait pas l'ombre d'un doute", lit-on dans un communiqué de la présidence de la République. Le chef de l'Etat a fait savoir qu'il est "hors de question de nommer, au sommet de l'Etat, des personnalités impliquées dans des affaires et ce, même si la justice ne les a pas tranchées ". "Les responsabilités au sein de l'Etat exigent que le responsable ne fasse pas l'objet de poursuites judiciaires ou de suspicions pouvant nuire à la crédibilité de l'Etat et ses institutions. ", a-t-il souligné. Les derniers développements ne sont pas pour rendre optimiste, avec les conflits où les blocs parlementaires se tirent à boulets rouges. La dénonciation de la violence, par Rached Ghannouchi des violences commises par les membres de la Coalition Al Karama contre les députés du Bloc démocratique est venue ajouter de l'huile sur le feu et risque d'ébranler la Troïka sur laquelle compte Méchichi pour faire passer son gouvernement. D'ailleurs, Seifeddine Makhlouf a affirmé qu'il ne votera pas pour le gouvernement, ce qui risque de diminuer ses chances de passer, si les autres blocs n'acceptent pas ce remaniement. De son côté, le parti Qalb Tounès met la pression pour la libération de son président, Nabil Karoui, sous mandat de dépôt pour corruption et blanchiment d'argent et la présente –en filigrane- comme condition pour accepter de voter pour. D'ailleurs, au cours des dernières semaines, il s'est montré réticent à tout remaniement ministériel. Une situation des plus incertaines, surtout que la Constitution ne prévoit rien, au cas où le gouvernement Méchichi n'obtient pas la confiance, et dans ce domaine, les parlementaires ont plus d'un tour dans leur sac. On se demande à qui reviendra la décision de choisir le prochain le prochain chef du gouvernement, si la situation capote, ni ce qu'on doit faire, par la suite. Le pays a perdu plus de cinq mois dans des querelles qui ne servent, d'aucune manière ses intérêts et il ne peut plus supporter de perdre davantage, parce qu'il y va de son avenir, dans un contexte marqué par un bouillonnement qui ne dit rien de bon. F.S. Les nouveaux ministres Les nouvelles nominations concernent les portefeuilles suivants : 1 – Justice : Youssef Zouaghi, actuel DG de la Douane, en remplacement de Mohamed Boussetta. 2 - Intérieur : Walid Dhahbi, actuel secrétaire général du gouvernement. Taoufik Charfeddine ancien détenteur du portefeuille a été évincé, depuis un certain temps. 3 - Domaines de l'Etat et Affaires foncières : Abdellatif Missaoui, à la place de Leila Jaffel 4 – Industrie et PME : Ridha Ben Mosbah, à la place de Salwa Sgaier. 5 - Energie et mines scindé du ministère de l'Industrie : Sofiane Ben Tounès. 6 - Environnement et développement durable : Chiheb ben Ahmed, à la place de Mustapha Laroui. 7 - Formation professionnelle et de l'Emploi : Youssef Fennira 8 – Jeunesse et Sports : Zakaria Belkhodja, en remplacement de Kamel Gueddich. 9 - Agriculture, Pêche et Ressources hydrauliques : Oussama Khriji, pour remplacer Aksa Bahri 10 - Affaires culturelles : Youssef Ben Brahim, actuel chef de cabinet 11 - Santé : Hédi Khaïri, en remplacement de Fawzi Mehdi Deux postes ont été supprimés : celui de ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, occupé par Thouraya Jribi, et celui de secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie des finances et du soutien à l'investissement chargé des finances publiques et de l'investissement : Khalil Chtourou,