Le projet de la réforme du système des subventions annoncé mardi par le chef du gouvernement prévoit la suppression progressive des subventions aux produits de base et l'orientation du soutien de l'Etat directement aux couches les plus vulnérables à travers des transferts sociaux directs. Le gouvernement a finalement décidé de s'attaquer à l'épineux dossier de la réforme du système des subventions. Dans son discours prononcé mardi à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), à l'occasion de la séance plénière consacrée à l'octroi de la confiance aux membres du gouvernement proposés dans le cadre du remaniement ministériel, le chef du gouvernement, Hichem Méchichi, a annoncé que l'exécutif s'attellera au cours de la prochaine étape à «la rationalisation du système des subventions et son orientation vers ses ayant-droit dans le cadre d'une politique sociale basée sur l'équité et l'amélioration du pouvoir d'achat du Tunisien». Selon lui, «la fin du deuxième semestre de l'année en cours sera marquée par le passage du système de subvention des produits à celui de la consolidation des revenus». Le locataire du palais de la Kasbah a également indiqué que la réforme du système des subventions permettra de faire régresser la moyenne du taux de pauvreté d'environ 25% et d'éradiquer les phénomènes de la contrebande, de l'utilisation des produits subventionnés à d'autres fins que celles auxquelles ils sont réservés, en plus d'éviter le gaspillage. Selon des sources proches du ministère des Affaires sociales, l'idée est de transférer les ressources allouées aux subventions universelles, qui profitent aux riches comme aux pauvres, vers des programmes d'aide sociale ciblant uniquement les couches les plus vulnérables de la population. Il s'agit, en d'autres termes, de réserver les aides de l'Etat à ceux qui en ont le plus besoin. Mais ce système de ciblage des couches nécessiteuses requiert la définition de critères clairs d'inclusion et d'exclusion des bénéficiaires potentiels. Il nécessite aussi un suivi régulier et minutieux de la mobilité sociale, qui ne peut être réalisé que grâce à un système d'information complet sur les revenus de la population. Et c'est là qu'apparaît le rôle capital de l'identifiant unique du citoyen (UIC), qui connectera les bases de données des caisses sociales, de l'administration fiscale ainsi que les bases de données relatives au programme national d'aides aux familles nécessiteuses, au programme d'assistance médicale gratuite et au programme d'accès aux soins à tarif réduit. Un fardeau pour les finances publiques Le système des subventions comprend deux composantes majeures. Il s'agit des subventions des produits de consommation de base géré par la Caisse générale de compensation (CGC) et des subventions des produits énergétiques (produits pétroliers, gaz naturel et électricité). La CGC gère la subvention des produits alimentaires de base, en l'occurrence les dérivés céréaliers (le pain, la semoule, le couscous et les pâtes alimentaires), l'huile de graine, les cahiers scolaires et le lait stérilisé demiécrémé. Les subventions allouées aux hydrocarbures sont transférées directement par l'Etat à la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR) et la Société tunisienne de l'électricité et du gaz (STEG). Selon une récente étude de l'Institut tunisien des études stratégiques (ITES), les subventions des produits alimentaires de base a permis notamment d'améliorer l'état nutritionnel des ménages défavorisés, les subventions représentant 20,6% de la valeur totale de leur consommation alimentaire et participant à hauteur de 28,6% dans l'apport calorique total et à hauteur de 25,4% dans l'apport protéique total pour ces ménages. Elles ont également contribué contribuer à réduire de plusieurs points le taux de pauvreté dans le pays. Le système des subventions représente cependant un grand fardeau pour les finances publiques. Le budget annuel moyen de la CGC a atteint 1800 millions de dinars sur la période 2017-2020, soit 1,6 % du PIB. Pour les produits énergétiques, les montants ont varié d'une année à l'autre en fonction des fluctuations des prix sur le marché international, avec 1550, 2700, 2100 millions de dinars respectivement en 2017, 2018, et 2019. Mais les méfaits du système des subventions universelles ne s'arrêtent pas là. Selon une étude de l'Institut national de la statistique (INS), 61% du budget de la compensation bénéficient à la classe moyenne, 9% bénéficient aux ménages vulnérables et 7% aux ménages aisés, alors que 23% sont orientés à des utilisations non domestiques. Pire encore, les ménages aisés bénéficient plus en valeur absolue de la compensation que les ménages démunis (89 dinars par tête et par an contre 68 dinars par tête et par an pour les plus pauvres). Par ailleurs, des quantités importantes de produits subventionnés sont détournés au profit des industriels (satisfaction de leur besoin en matières premières: farine, semoule, huile), des prestataires de services (hôteliers, restaurateurs) et des contrebandiers (la charge de compensation additionnelle due à la contrebande vers la Libye et l'Algérie a été estimée à 150 millions de dinars par an). W.K.