Le 20 janvier 2008, l'UGTT eut soixante deux ans d'existence, jour pour jour. Le 20 janvier 1946, se réunissaient en effet, à la Khaldounia, les délégués des syndicats automnes du Sud et du Nord pour discuter de la nécessité de la création d'un syndicat purement tunisien qui défendrait à bon escient les intérêts des travailleurs tunisiens. L'Union Générale des travailleurs tunisiens était ainsi née, et des militants ont été élus pour composer le bureau exécutif dont Farhat Hached. L'initiative d'une telle entreprise émanait de lui et de son compagnon Habib Achour. Il en fut d'ailleurs, le premier secrétaire général alors que le Cheikh Fadhel Ben Achour en était le président. La presse coloniale avait mis son grain de sel en qualifiant cette nouvelle organisation d'anti-française étant composée de destouriens qui "sèment le trouble dans le pays et essayent de diviser la classe ouvrière". Les membres de l'UGTT étaient donc des militants destouriens pour la plupart. Ce fut la raison pour laquelle ils avaient mené durant la période coloniale un combat à caractère politique, le salut des travailleurs tunisiens était tributaire de celui du pays, tant que celui-ci se trouvait sous le joug de l'occupant. Les autorités coloniales avaient réalisé que les syndicalistes tunisiens n'étaient en fin de compte que des militants qui combattaient le colonialisme par le biais du syndicat. L'action menée par Farhat Hached était de ce fait redoutée par les forces coloniales au point d'avoir commandité son assassinat. Syndicaliste incontesté, ayant mené la lutte ouvrière dès sa tendre jeunesse, la mémoire collective retiendra désormais son nom en tant que martyr et leader politique. A l'avènement de l'indépendance les choses ne se présentaient plus de la même façon. L'UGTT était désormais une organisation qui avait une nouvelle mission : celle de défendre les intérêts des travailleurs dans un pays pleinement souverain. Il fallait tenir en compte de la conjoncture du moment où la Tunisie, à peine indépendante entamait la phase d'édification, aussi bien sur le plan politique qu'économique et social. Les activités syndicales se développaient afin de mieux défendre les droits des travailleurs notamment sur le plan des salaires, tendant à leur assurer un meilleur pouvoir d'achat. D'autant plus que le maximum de rendement était exigé par les employeurs représentés par l'UTICA. En 1964 Habib Achour était à la tête de l'UGTT sur le plan économique la situation était plutôt précaire obligeant à une dévaluation du dinar, créant de la sorte une baisse du pouvoir d'achat du travailleur. Habib Achour réagit par une motion prise à l'unanimité des membres du bureau exécutif, tendant à demander au gouvernement une solution pour y remédier par une révision des salaires. Les membres du parti avaient réagi négativement à cette motion, taxant Habib Achour de "deviationniste". Au congrès du parti en 1964 à Bizerte l'attitude de Habib Achour fut violement critiquée. Il fut décidé à l'unanimité des congressistes que désormais les organisations nationales (dont l'UGTT) seront supervisées par les comités de coordination du parti notamment à tout ce qui se rapporte à leurs activités. En réponse, une lettre fut envoyée au président du parti, le 6 janvier 1965 où Habib Achour manifeste sa désapprobation pour une telle décision. Cette lettre est mentionnée dans son ouvrage : "ma vie politique et syndicale et où il écrit entres autres : "Je me permets de vous préciser que l'application de ces décisions d'une façon précipitée entraînera à coup sur la désintégration de l'UGTT organisation qui a été au service du pays depuis sa création et dont nul n'ignore les nombreux sacrifices consentis pour la libération du pays. ... je ne suis pas contre les décisions du Parti Socialiste Destourien mais pour donner une forme légale, il faudrait surseoir à l'application de ces décisions et les soumettre au congrès national de l'UGTT. Seul organisme de notre centrale habilité pour prendre une telle décision". Cette réponse engendra des remous et surtout des attaques virulentes contre Achour de la part de plusieurs membres du parti. Au cours des élections des délégués syndical dans une entreprise nationale, des incidents se produirent suite à l'intervention de membres du parti pour superviser les opérations à cet effet. Il avait fallu un tête-à-tête de Achour avec Bourguiba pour temporiser momentanément la situation. Ce qui n'empêcha pas toutefois l'altération des relations entre le PSD et l'UGTT dont le secrétaire était fermément résolu à se démarquer du parti quand bien même il se considérât parmi les destouriens les plus invétérés voire l'un des vétérans du Neo-Destour.