Douze ans après la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne, la Tunisie vient d'entrer depuis le 1er janvier dans une zone de libre - échange avec cette Union. C'est le premier pays de la rive sud de la Méditerranée qui entreprend cette démarche. Les peurs et les appréhensions qui avaient accompagné en 1995 l'engagement sur cette voie, ont - ils été confirmés ? Quels sont les résultats de ce processus de mutation ? Si globalement, on ne peut occulter les succès réalisés, qu'en est - il des faiblesses constatées ? Que prépare - t - on pour la prochaine étape dans les relations entre la Tunisie et l'Union européenne ?
Ils étaient deux ministres à répondre aux interrogations des journalistes au sujet de l'entrée de la Tunisie dans une zone de libre - échange avec l'Union européenne,M.M. Afif Chelbi, ministre de l'Industrie, de l'Energie et des PME et Ridha Touiti, ministre du Commerce et de l'Artisanat. Après une période transitoire étalée sur 12 ans, tous les produits industriels européens importés par la Tunisie sont depuis le 1er janvier 2008 totalement exonérés des droits de douane. Comment a résisté l'industrie tunisienne à la pression de la concurrence étrangère ? Chiffres à l'appui, le ministre de l'Industrie affirme « que ce qui s'est passé est totalement contraire aux appréhensions ». Les exportations industrielles ont quadruplé pendant la période 1995 - 2007, passant de 4.000 MD en 1995 à 15.000 MD en 2007. Pour deux secteurs qui représentent les 2/3 des exportations ( le textile habillement et les industries mécaniques et électriques ), les résultats ont été, à des degrés différents, très encourageants. Dans le textile les exportations sont passées de 2000 MD en 1995 à 5180 MD en 2007. « Cette dynamique est incontestablement importante puisqu'elle a été enregistrée dans une conjoncture internationale difficile qui s'est caractérisée par l'exacerbation de la concurrence internationale notamment asiatique », commente M. Afif Chelbi.
Un taux d'encadrement élevé
Quant aux exportations des industries mécaniques et électriques, elles ont atteint 5280 MD en 2007 contre à peine 100 MD en 1995. Entre 2002 et 2007 cette augmentation a été de 100%. C'est le même taux d'évolution des exportations chinoises vers l'Europe au cours de la même période. « Ces performances ont fait aujourd'hui de la Tunisie une plate - forme internationale de production des composants automobiles et aéronautiques », ajoute le ministre. Ces indicateurs ont pu être réalisés grâce, entre autres, aux efforts fournis par les hommes d'affaires pour relever les défis de la compétitivité. Le Programme de Mise à Niveau leur a offert un appui incontestable. Grâce à ce programme le taux d'encadrement est passé de 9% en 1995 à 17% en 2007. Le nombre des entreprises certifiées est passé de 10 à 800. Le nombre des entreprises utilisant des systèmes informatisés est passé de 50 en 1995 à 1000 actuellement. Le partenariat industriel avec l'étranger a progressé au cours de la même période. Le nombre d'entreprises créées en Tunisie en partenariat avec l'Europe est passé de 40 par an à plus de 160 par an au cours de ces dernières années. Le volume des Investissements Directs Etrangers ( IDE ) industriels a été multiplié par plus de sept passant de 50 MD en 1996 à 400 MD en 2007. L'Union européenne a soutenu cette démarche à travers le Programme de Modernisation Industrielle ( PMI ).
Une étude stratégique à l'horizon 2016
Au cours de cette période l'industrie tunisienne a réalisé « un changement radical au niveau du positionnement stratégique de l'entreprise tunisienne qui est parvenue à préserver ses avantages concurrentiels en se conformant aux exigences du marché européen à savoir : produits à forte valeur ajoutée et délais courts », selon les termes du ministre de l'Industrie. La structure du marché européen a évolué sous la pression de la concurrence asiatique. Les délocalisations qui s'en suivent est une chance pour la Tunisie qui a vu l'implantation en Tunisie de plusieurs grands projets de 2000 emplois et plus. Avec un optimisme réaliste le ministre annonce que le onzième plan vise le doublement des investissements européens dans l'industrie. Plus de 100.000 emplois devront être créés durant la même période. Le ministère de l'Industrie est entrain d'achever une étude stratégique globale concernant « l'industrie tunisienne à l'horizon 2016 ». L'ambition est de faire de la Tunisie une base industrielle euro - méditerranéenne. M Ridha Touiti, ministre du Commerce et de l'Artisanat a dû rappeler que l'accord du 19 juillet 1995 visait l'intégration de l'économie tunisienne dans l'économie mondiale tout en ajoutant que « l'accord cherchait à améliorer la compétitivité du produit tunisien et sauvegarder ses avantages dans les pays européens ».
Dix accords de libre - échange signés
La période de transition s'est soldée par un succès parce qu'elle a été faite de façon graduelle. Aucune mesure protectionniste n'a été prise même si l'accord le permettait. L'entreprise tunisienne s'est montrée capable de faire face à la concurrence. Dès le début des années quatre vingt - dix , ont été engagées différentes mesures de libéralisation comme celle du commerce extérieur, de l'investissement, des prix, du commerce intérieur, la réforme fiscale... Ces réformes avaient touché tous les secteurs. Les lois ont été révisées de façon continue, comme la loi sur la concurrence, les normes, la propriété intellectuelle, le contrôle technique.... Parallèlement au démantèlement tarifaire dix accords de libre échange ont été signés. La baisse des droits de douane a été faite sur trois étapes. Le nombre de taux est passé de 54 en 1994 à 9 actuellement. Durant la même période la croissance du PIB a été supérieure à celle d'avant 1995. Les grands équilibres ont été sauvegardés. Le démantèlement a participé à la maîtrise de l'inflation. Les importations de l'Union européenne ont augmenté moins rapidement que nos exportations. « Le taux de couverture des importations par les exportations sur l'Union européenne qui était de 76, 7% en 1996 a grimpé à 98,3% aujourd'hui », annonce le ministre du Commerce. Nous avons un excédent commercial avec la France et la Grande - Bretagne et la Hollande.
L'agriculture et les services en point de mire
Parallèlement aux performances réalisées le ministre du Commerce a relevé des faiblesses qu'il n'a pas manqué de mettre en relief. Ainsi, l'intégration sud - sud a été faible. Les exportations tunisiennes continuent à être concentrées sur quatre pays européens, la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne. Les investissements directs européens en Tunisie sont certes en progression. Ils demeurent faibles par rapport aux autres pays de l'ex - Europe de l'Est. La prochaine étape connaîtra la libéralisation du commerce des services et celui des produits agricoles. Dans les négociations la Tunisie cherchera à améliorer le mouvement des personnes. Des études sont en cours de préparation pour les produits agricoles. Le démantèlement sera progressif. Les conditions d'une concurrence juste seront mises en place. Des mesures d'accompagnement seront prises. Comme on a réussi pour l'industrie, l'optimisme reste de mise pour l'agriculture et les services.