La Tunisie était, à l'aube de l'indépendance, plus que jamais solidaire de la cause algérienne. Les Fellaghas continuaient à prêter main-forte aux combattants algériens qui étaient traqués par les troupes françaises. Le transit des armes en Algérie se faisait en effet par la frontière tuniso-algérienne, les troupes de l'Armée de libération Nationale algérienne (ALN) étaient hébergées en Tunisie. Ce qui aiguisait davantage la colère du gouvernement français qui envoya à Bourguiba son porte-parole, afin de lui demander de fermer les frontières tunisiennes aux combattants algériens. Il s'opposa bien évidemment à une fin de non recevoir. Le 8 février 1958, l'armée française bombarda le village de Sakiet Sidi Youssef, faisant des morts et des blessés dont des élèves au moment où ils se trouvaient à l'école. Le chef du gouvernement français de l'époque déclara ultérieurement qu'il s'agissait d'une erreur, les troupes françaises poursuivant des troupes de l'ALN. Quelques jours après cet événement douloureux qui laissa de graves séquelles chez de nombreuses familles avec des orphelins et des handicapés, une loi votée par l'Assemblée Nationale le 12 février 58 abrogea la convention de 1942 où il était stipulé que Bizerte était un port français. Le porte parole du gouvernement français réagit à cette loi par une déclaration où il affirmait que Bizerte restera port français en tout état de cause. Toutefois le Général de Gaulle assura ultérieurement que les troupes françaises se retiraient du pays, sauf en ce qui concernait la base de Bizerte, où elles restaient encore pour quelque temps. Par signe de solidarité avec l'Algérie, Bourguiba déclara à un moment donné en février 1959 que la Tunisie renonçait provisoirement à l'évacuation des troupes françaises de Bizerte en échange de l'indépendance en Algérie. "La Tunisie est prête à faire provisoirement ce sacrifice, en contrepartie de la paix avec un règlement négocié du problème algérien" ajouta-t-il. Cependant le général de Gaulle accepta mal que la Tunisie fut solidaire de la cause algérienne rejetant par la même du moins dans la conjoncture du moment, l'idée du retrait des troupes françaises du port de Bizerte. La réaction de Bourguiba fut mue davantage par l'accord intervenu entre le Maroc et les Etats-Unis pour le retrait des troupes américaines de la base de Ben Slimane au Maroc. En février 1960 une note fut remise à l'ambassadeur de France en ces termes : "Après l'accord pris entre les Etats-Unis et le Maroc, le Gouvernement tunisien ne peut plus ne pas poser au gouvernement français la reconnaissance de l'évacuation de Bizerte, quitte à laisser le soin aux experts d'en établir les modalités et le calendrier". A cette note il fut répondu positivement par la France, qui était prête à négocier mais sans d'autres précisions. Bourguiba était décidé à user de tous les moyens pacifiques pour le règlement de ce conflit cependant la France signa un accord avec le Maroc, en 1960 pour évacuer ses troupes de l'ensemble du pays avant le mois de mai 1961 date correspondant à la fête du trône. Par cette attitude la France favorisant le Maroc, dans l'insidieuse intention de créer une animosité entre ce pays frère et la Tunisie. Et ce n'était pas gratuit, car le roi Mohamed V et Bourguiba avaient proposé le 22 novembre 1957 à la France et au FLN leurs bons offices. Cette proposition fut évidemment rejetée par le ministre des Affaires étrangères à l'époque. Christian Pineau, motivant ce refus par le fait qu'ils n'étaient pas neutres étant solidaires de la cause algérienne. La Tunisie ne tomba pas dans le piège de créer des animosités avec le Maroc, et rappela à Paris la nécessité de négocier l'évacuation de Bizerte, dans les meilleurs délais. Cependant et malgré le succès du referendum lancé par le général de Gaulle en ce qui concerne le problème algérien, les négociations tuniso-françaises concernant le règlement du conflit de Bizerte, ne purent aboutir à une solution amiable. De jour en jour la tension ne fit qu'augmenter ce qui mena en 1961 à la fameuse bataille de Bizerte où les troupes françaises n'avaient pas hésité à tirer sur des civils innocents, et où les troupes militaires tunisiennes avaient fait preuve de courage et de véhémence.