La « Journée Mondiale de la Femme » est trop souvent l'occasion pour célébrer les femmes, les encenser, donner la parole à certains pour exalter l'égalité, la liberté, la parité, étaler des chiffres, des statistiques, du nombre de femmes ayant réalisé des progrès dans tel domaine. Et pourtant tout n'est pas le mieux « dans le meilleur des mondes possibles ». Partout, la masse des femmes, « la moitié du genre humain », formule galvaudée, « le genre humain tout entier » dirait George Sand, demeurent victime de l'aliénation masculine, subissent le poids de sociétés qui les écrasent, soumises à des lois injustes qui les enchaînent et les marginaliser. Bien sûr, à cette occasion des chiffres sont mis en avant. Bien sûr il y a indéniablement progrès ici ou là, plus qu'ici que là. Heureusement progrès il y a. Mais ce sont les chiffres qu'on tait, qu'on ne dit pas, qui sont le miroir d'une situation mondiale indigne. D'après le rapport mondial 2007 du PNUD, les inégalités globales sont passées entre 1970 et 2005 d'un rapport de 20 à 50 !! Sait-on qu'une femme meurt toutes les minutes des conséquences d'une grossesse, que 4 millions de femmes sont vendues chaque année, que 2 millions de fillettes de 5 à 15 ans sont livrées à la prostitution, que la parité hommes/femmes ne serait effective qu'en 2070 !! Inutile de parler des inégalités salariales et du reste. Le langage sert aussi à discriminer. Aussi parle-t-on « d'activités féminines », de « littérature féminine » par rapport à la « Littérature », celle des hommes. On utilise des formules telles que « Madame LE ministre », et on abuse d'un terme comme celui de « ménagère » qui curieusement n'a pas de « masculin » !! Le combat des femmes est loin d'être terminé, « on croit que le féminisme est derrière nous, un combat ringard » affirme Benoîte Groult à un journaliste. Plus que jamais les disparités entre les hommes et les femmes sont présentes, car malgré les avancées indéniables, le regard de l'homme envers la femme a-t-il vraiment changé ? Plus que jamais les risques de régression sont bien réels. Plus que jamais la vigilance est de mise pour faire barrage à des menaces qui remettraient en cause les acquis. Les utopies d'un retour à la bigamie font parfois surface, insidieusement, çà et là, parfois sous forme de « débat », ou « d'une opinion libre » sur une feuille de chou. La lutte contre les privilèges masculins, dans les Etats de droit, contre les écarts hommes/femmes doit s'intensifier puisqu'on considère, encore, que la femme retire sa dignité du mariage, considéré comme « une obligation », un destin, même. Partout, de nombreuses filles sont mariées malgré elles, chosifiées pour être exhibées le jour de la cérémonie. Certaines sont obligées d'abandonner des études souvent jugées trop longues « pour une fille ». La tradition s'ingénie à enfermer les femmes dans un « moule » conventionnel, celui d'un être subordonné qui doit « rester à sa place », celle d'un éternel subalterne. Ainsi, est-il toujours admis qu'un homme de 60 ans épouse une jeunette alors qu'une soixantenaire doit remplir, elle, son rôle de grand-mère. Un homme grisonnant est jugé « séduisant, viril », et d'une femme, on dit qu'elle « vieillit bien ». De nos jours encore, les femmes vivent la détresse de tomber enceintes et de ne pouvoir avorter, subissent les pressions familiales, sociales, religieuses, qui les culpabilisent. Des femmes privées d'éducation, battues, victimes de violences conjugales, excisées, mutilées, des femmes abandonnées, d'autres divorcées ou veuves affrontent les préjugés sexistes, des femmes violées, violentées, vivent sous le joug de l'autorité du mari, du frère, du père, dominateurs. Des femmes qui se réfugient souvent dans le silence, le mutisme par peur, par crainte. Des femmes rejetées, indésirables, pour cause de polygamie, il y en a aussi. Celles qui subissent le plus les discriminations , ce sont les plus fragiles, les mères célibataires, les migrantes, les handicapées, les intouchables, les femmes seules, âgées, les rurales ou les membres des minorités. De nos jours, l'image de la femme objet s'impose. « Il faut plaire à tout prix », à dix, quatorze ou seize ans, privant les filles de vivre une enfance tranquille et insouciante.On encourage les femmes à allaiter, « rentrer à la maison » devient un « cocooning » à la mode. Elles deviennent l'enjeu de combats politico-religieux, « couvrez ce corps que je ne saurais voir »...... Certes, des batailles ont été gagnées, mais beaucoup reste à faire, car de quelles femmes, et de quelles moyennes parle-t-on ?? Il y a tellement de différences économiques, sociales, culturelles, régionales. Les écarts femmes/femmes sont énormes. On ne saurait parler « des femmes » que par rapport à un contexte précis. Les chiffres ne sauraient refléter les réalités très diverses. « Journée des femmes » ?? Comme si elles vivaient isolées sur une autre planète, comme si tout allait bien pour les hommes ! Alors à quand une « Journée de l'homme » ??