« J'ai fait un rêve. Je rêve qu'un jour sur les collines rouges de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens maîtres pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité ». Martin Luther King a fait un rêve pour les marginalisés, les laissés pour compte, les discriminés, les victimes de la ségrégation raciale. Un rêve pour que les populations noires se lèvent la tête haute, marchent dans la lumière. Sa vie fut une marche harassante, épuisante depuis ce 17 mai 1954 où Rose Parks, couturière noire de cinquante ans, refusa de céder sa place assise dans l'autobus à un blanc, comme les lois de l'Alabama l'imposaient. Un geste de révolte, de rébellion contre un système qui bafouait la dignité des noirs. Toute la population noire, imitée par les blancs par peur des représailles, décida de se rendre au travail à pied ou en taxi, jusqu'à ce que la Compagnie d'autobus menacée de faillite fut contrainte d'annoncer la fin des mesures discriminatoires. En novembre 56, la Cour Suprême des Etats-Unis déclara inconstitutionnelles les lois imposant la ségrégation dans les transports. Un mouvement de résistance allait naître dans le reste des Etats pour s'élever contre le système discriminatoire. L'action s'étend et Martin Luther King devient le leader national du mouvement de résistance. En 1957, il parcourt des milliers de kilomètres et prononça deux cent dix-huit discours, dont le thème central était la défense des Droits Civiques. En Mai de la même année, la Cour Suprême supprime la ségrégation dans les écoles. Une nouvelle forme de combat est née : « le sit-in », cela va s'étendre à plus de cent villes et mobiliser 70.000 protestataires. Des centaines d'arrestations furent opérées. Luther King se déplaçait, expliquait « pour que la résistance non-violente ait un sens, il faut que cela soit dirigé vers la réconciliation. Notre but final est la création de la communauté d'amour fraternel ». Disciple de Ghandi, il a toujours prôné la non-violence comme moyen de lutte pour contrecarrer les réactions agressives de la police et de certaines organisations blanches racistes extrêmement virulentes comme le Ku Klux Klan. Selon lui la réaction à la violence par la violence était condamnée à l'échec et ne pouvait engendrer qu'affrontements, haines, ruptures. Il est resté fidèle à cette ligne toute sa vie, malgré l'opposition des autres mouvements noirs comme les Blacks Panthers ou les Blacks Muslims, qui avaient opté pour le recours à la violence, sous la direction d'Elijah Mohammed et MalcomX, autres grandes figures américaines de la lutte des noirs pour leur émancipation. En 1964, il reçoit le Prix Nobel de la Paix et devient le symbole de la révolte noire, de la lutte pour la justice, par la non-violence, uniquement Luther King s'était élevé contre la guerre du Vietnam, considérée comme « acte criminel contre les peuples » ce qui lui a valu l'accusation d'anti-patriote. Un déterminisme à toute épreuve dans un contexte national et mondial difficile, la guerre froide, les relents de maccarthisme, la montée des luttes de libération nationale des pays colonisés pour lesquelles les USA étaient favorables et se présentaient comme les champions des libertés. Martin Luther King devait affronter la violence au quotidien, les obstacles et arriver à convaincre des auditoires pas toujours favorables. Doté d'un don extraordinaire d'orateur, il prononcera des discours foudroyants qui susciteront émotion, larmes et ferveur. Il avait le don d'y mêler politique et tonalité religieuse, lui le pasteur : « Nous ne sommes pas satisfaits et nous ne serons pas satisfaits jusqu'au jour où la justice se déversera comme un torrent et la droiture comme un fleuve puissant » Il savait manier la comparaison, la métaphore à la perfection. Il savait ponctuer ses discours d'anaphores, d'accumulations qui rythment l'énoncé et lui donnent force et beauté : « je fais le rêve qu'un jour chaque vallée soit glorifiée, que chaque colline et chaque montagne soit aplanie.. » Il préparait la « Marche des pauvres », vers Washington pour le printemps 68, quand il décida de participer aux manifestations d'éboueurs grévistes à Memphis. Le soir du 3 avril, il affirma dans son discours « j'aimerais vivre une longue vie comme tout le monde. La longévité, c'est appréciable, mais ce n'est pas ce que je pense maintenant ». Le lendemain, il se trouvait sur le balcon de sa chambre d'hôtel, lorsqu'il fut abattu. Il a fait un rêve pour ceux qui n'en avaient pas. Un rêve pour des milliers de noirs écrasés par un système injuste, condamnés à la misère, la pauvreté, l'ignorance, le chômage. Il a fait un rêve pour leur insuffler la force de se battre, de revendiquer des droits fondamentaux dans un monde juste. Il a fait un rêve pour toute l'humanité : « Nous considérons ces vérités comme évidentes, que tous les hommes ont été créés égaux ». Il a fait un rêve pétri de sueur, de larmes, de souffrances, de douleur, mais aussi de soleil, de lumière et d'espérance.