Les Zeïtouniens avaient senti un certain relâchement de la part des membres du Néo-Destour. Ce qui les avait incité à prendre la relève surtout, depuis les événements du 9 avril 1938 auxquels avaient participé toutes les forces vivantes. Les Néo-Destouriens avaient en effet préconisé à un moment une politique de conciliation avec les autorités coloniales, afin de procéder à une concertation pour l'obtention de certaines concessions. Bourguiba qui était à un moment donné en Egypte pour faire connaître la cause tunisienne, décida dès l'année 1937 de rentrer en Tunisie afin d'inciter Salah Ben Youssef et les membres du jeune parti à renoncer à la stratégie pacifiste et opter désormais pour une lutte acharnée et sans merci contre le colonisateur. La deuxième guerre mondiale allait changer plusieurs notions chez les militants fussent-ils des Destouriens, des Néo-Destouriens, ou des patriotes épris de la cause tunisienne et prêts à tout sacrifier pour celle-ci. Bourguiba avait envoyé un rapport en mars 1944 au Résident Général dans lequel il l'invitait à une concertation avec des militants du Néo-Destour en vue d'obtenir des réformes qui permettraient aux autochtones d'exercer pleinement leurs droits. Toutefois ce rapport resta lettre morte. Bien au contraire les autorités coloniales avaient durci le ton à la fin de la guerre. Moncef Bey leur tint tête en défendant son peuple rappelant sans cesse aux colonisateurs qu'ils avaient gravement violé les principes des droits de l'Homme et bafoué les droits d'un pays pleinement souverain, doté d'une constitution, d'un territoire et d'un Etat. Il fut pour cette raison, détrôné et exilé, après lui avoir collé comme prétexte l'accusation de collaborateur avec les Allemands. Dans cette conjoncture, et devant un certain tiraillement du Néo-Destour entre la politique de concertation avec les autorités coloniales et celle de la lutte sans merci, les Zeïtouniens surgirent brusquement sur la scène nationale par des manifestations pour dénoncer les exactions des autorités coloniales, dont notamment celle du 15 avril 1945, qui était dirigée par le cheikh Fadhel Ben Achour, pour demander le retour de Moncef Bey. Avaient participé à cette manifestation les anciens ministres de Moncef Bey dont M'hamed Chenik, Mohamed Badra ainsi que certains membres de la famille beylicale. Les manifestants scandaient : liberté à Moncef Bey et au peuple. A cette époque on avait parlé des "Moncéfistes", mais en réalité tout le peuple était pour le retour du Bey militant qui s'est affronté avec courage et abnégation aux autorités coloniales et préféra renoncer au trône pour la libération du pays. Derrière ce courant moncéfiste, il y avait notamment les Zeïtouniens ainsi qu'un groupe qu'avait formé le militant Ahmed Ben Miled. Ce groupe qui distribuait des tracts en ce sens s'était donné le nom de "Commandos de la lutte". Cependant, que le parti communiste tunisien à l'époque était contre cette démarche, accusant Moncef Bey de collaborer avec les pays de l'Axe. Dans ce contexte, les Zeïtouniens avaient pu émerger, pour constituer une force vive de la nation qui s'était démarquée du parti de Néo-Destour. Ce qui donna à réfléchir aux militants de ce parti, qui ne tardèrent pas à rectifier le tir, pour repartir d'un bon pied, et reprendre la lutte contre les autorités coloniales d'une manière plus ferme et plus déterminée, notamment après la mort du Bey Martyr.