La visite d'un Chef d'Etat français en Tunisie et, inversement, celle d'un Chef d'Etat tunisien en France, suscitent toujours des réactions parfois passionnelles et des commentaires passionnés. La France est le premier partenaire de la Tunisie. Après l'indépendance, Bourguiba en avait fait la passerelle pour le monde occidental. Aujourd'hui, Ben Ali a l'ambition de faire assumer à la Tunisie un rôle central dans ce grand chantier euro-méditerranéen, rêve qui fut celui d'Alexandre le Grand, celui de Hannibal et dont le berceau est « la plus belle mer » à laquelle le président français veut restituer son rôle d'accoucheuse d'histoire. Celui de La Mare Nostrum. Rempart contre l'obscurantisme et le fondamentalisme, la Tunisie a administré la preuve de son aptitude à préserver les équilibres sociaux et à s'inscrire pleinement dans la dynamique des pays émergents. Et, c'est pour cela que le président français a encore déclaré, hier, devant des étudiants tunisiens à l'Insat, que la Tunisie a accompli de grands progrès et que ces progrès doivent être soutenus. Il reste dans sa cohérence pragmatique affirmée au premier jour de sa visite, quand il déclare, à propos de la question des Droits de l'Homme, « qu'il est venu en ami et non en donneur de leçons ». Logique : aucune nation souveraine, n'est disposée à en recevoir. Dès lors, nous ne serions pas inspirés de répondre aux clichés par des clichés. Et, de surcroît, répliquer par des formules d'auto-suffisance ne serait pas de bon aloi. Oui, la Tunisie est un pays stable. Sécurisé. Les performances économiques et son classement de compétitivité la confortent dans ses équilibres socio-économiques, malgré les incertitudes d'une conjoncture mondiale pour le moins schizophrène. Oui, nous avons accompli des pas en direction des Droits de l'Homme, de la démocratie et des libertés. Mais l'impression est que l'impératif économique a supplanté l'impératif politique. Et cela fait que nous avons du chemin à faire au niveau du pluralisme réel, au niveau de la séparation des pouvoirs, du jeu des institutions et de la liberté d'expression. Dans chaque discours, le Président Ben Ali rappelle que le choix démocratique est irréversible et que le citoyen tunisien est en droit d'aspirer à une vie politique digne de sa dimension intellectuelle et de sa civilisation. N'oublions pas que parmi les tout-premiers organes législatifs dans l'histoire de l'humanité, Carthage avait institué les célèbres « Suffitats ». Et, alors, plutôt que de devoir prêter l'oreille aux pamphlets visant notre régime, procédons à une profonde et sévère introspection. Cette Tunisie des miracles, celle de dix millions d'habitants, modèle arabo-musulman unique, selon les termes propres de M. Sarkozy, s'apprête à jouer un rôle fondamental dans le processus euro-méditerranéen. Celui-ci lui restitue sa vocation originelle. Sa vocation civilisationnelle. Mais, cette vocation est indissociable des valeurs universelles de démocratie, de Droits de l'Homme et des libertés. On dit que la grande marche commence à petits pas. Mais ces petits pas, nous les avons accomplis. Peut-être, est-il temps d'accélérer la cadence...