Le changement climatique aura des répercussions sur notre planète et notamment sur notre agriculture et notre élevage. Des changements importants sont à attendre compte tenu des transformations des écosystèmes avec notamment une modification des aires géographiques consacrées aux principales cultures, une mise au point d'OGM capables de subsister dans de nouvelles conditions climatiques, une redistribution des espèces animales en raison des modifications de la végétation et sélection naturelle de nouvelles espèces et une évolution de la composition des cheptels. Ce changement climatique qui touche le monde entier aura des incidences sur le cheptel et sur les lieux de développement des espèces animales. C'est dans ce cadre que s'inscrit le congrès « l'élevage et les changements climatiques globaux » organisé par la société britannique de production animale (Basas) le centre international de la recherche agricole dans les zones arides (ICARDA), l'office du pâturage et d'élevage et l'Institution de la recherche et de l'enseignement en collaboration avec le ministère de l'Environnement et le Développement durable. Kamel Bouaouina
Philippe Chemineau (chef du département de physiologie animale et système d'élevage de l'institut national de la recherche agronomique en France)
« Adapter les systèmes d'élevage aux nouvelles mutations »
Le Temps : Quel est l'impact du changement climatique sur l'élevage ?
Philippe Chemineau : Pour le moment, nous sommes encore dans les prévisions de ce qui va se passer dans le monde entier. On prévoit toutefois une modification d'abord de la végétation et donc des systèmes fourragers et une évolution des systèmes d'élevage sur l'ensemble des pays du monde. Il y aura une modification des régimes des pluies notamment en Europe et une remontée des espèces végétales adaptée au climat chaud vers le Nord et par conséquent une modification des systèmes d'élevage.
Ce changement entraînera t-il une modification de la production animale ?
On observe une fréquence des accidents climatiques D'ores et déjà, on peut observer une sécheresse plus marquée et plus prononcée avec durée de pousse des fourrages plus réduite l'été dans plusieurs régions. I l y a déjà des prémisses d'observation de ce phénomène qui n'est pas global mais qui a des répercussions année par année ou mois par mois.
Quelle stratégie adopter ? Il y a une partie qui vise à adapter nos systèmes à cette évolution en prévoyant la façon dont ils vont évoluer en adaptant des espèces végétales et animales à ces climats. Il faut adapter nos systèmes d'élevage de façon à réduire la production du méthane et donc diminuer la conséquence de l'élevage sur l'effet de serre.
Et comment le Nord pourra-t-il aider le Sud ? Il faut que le Nord et le Sud collaborent sur ce thème sachant que plus on se rapproche des zones arides plus les risques sont grands sur l'élevage. Nous essayerons ensemble de mieux prévoir et prendre les mesures qui s'imposent.
Dr Ali Nefzaoui (centre international de recherche agricole dans les zones arides, bureau de Tunis)
« Répercussions sur les prix de viande et de l'orge »
Le Temps : Quel est l'impact du changement climatique sur l'élevage en Tunisie ?
Dr Ali Nefzaoui : Nous sommes en train de vivre cet impact. Il suffit de voir la chute actuelle des prix de la viande qui a passé en deux mois de temps de 12 à 7 dinars. L'impact immédiat, il va avoir une vente excessive d'animaux donc réduction de l'effectif des animaux dans le pays et à long terme cela se traduira par un accroissement des prix des produits d'animaux. La production étant réduite, les prix des viandes et du lait vont flamber en raison de l'augmentation des prix des aliments du bétail. Ces aliments ont connu une hausse vertigineuse et à titre d'exemple en janvier 2004, la tonne d'orge au niveau du marché international est à 100 dollars, 200 dollars en janvier 2006 et 300 dollars en janvier 2007 et 400 dollars en janvier 2008. Le prix a été multiplié par 4 au bout de cinq années. L'orge, l'aliment principal de l'élevage n'est pas à la portée de l'agriculteur. Logiquement, il devrait retourner sur les parcours mais ces derniers sont dégradés et il n' y a plus de parcours parce qu'on les a labourés et on a mis de l'olivier là-dessus. Il y a une impasse et nous devrons nous adapter à cette situation en utilisant de moins en moins de céréales dans l'alimentation de bétail et en faisant appel à des ressources alternatives comme le cactus et les sous produits.
Comment va se traduire ce changement climatique à long terme ?
Sur le long terme, ce changement climatique va se traduire par la hausse de la température et une diminution de la pluviométrie. Du coup, on aura un environnement plus chaud et moins d'eau. On prévoit une réduction des rendements des céréales de 30 à 40% et de moins en moins de pâturage. L'élevage va souffrir en premier. La Tunisie n'est pas le seul pays qui souffre de changement climatique. C'est un problème global. C'est pourquoi on a intitulé notre colloque « l'élevage et les changements climatiques globaux ».