Dans l'acception moderne de l'entreprise, la transparence est une condition de base, non pas uniquement pour les actionnaires, mais aussi pour l'environnement dans lequel elle agit. Aux Etats - Unis, après les grands scandales financiers comme celui d'Eron, la législation est venue renforcer la nécessaire transparence des comptes d'entreprise. En Tunisie, la loi du 21 octobre 2005 a institué la déclaration de diligences, qui a été précisée par l'arrêté du ministre des finances du 17 juin 2006. Comment se présente le modèle tunisien par rapport aux pratiques internationales ? Qu'ajoute cette déclaration en termes de responsabilité managériale ? La responsabilité du Commissaire aux comptes va - t - elle changer ?
L'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises a organisé hier avec la collaboration de la Fondation Friedrich Naumann, un séminaire pour débattre de la question de l'attestation de diligences en présence d'experts comptables, de chefs d'entreprises et autres intervenants dans la sphère économique sous la présidence de Mme Faiza Kefi, présidente de la Cour des Comptes, une coutumière des manifestations de l'IACE. A l'ouverture des travaux, M. Chékib Nouira, président de l'IACE, devait affirmer que « la transparence est devenue un souci dans tous les pays du monde. Après quelques scandales liés au manque de transparence, des mesures ont été prises pour l'instituer ». Abdessatar Mabkhout, Expert comptable, précise que « dans tous les textes de droit, celui qui gère l'argent d'autrui doit rendre compte ». Les choses ont évolué. La transparence n'intéresse pas uniquement l'actionnaire. Elle intéresse aussi le citoyen, d'autant qu'on parle d'entreprise citoyenne. « La nouveauté en Tunisie est la publication de l'information », ajoute -t - il. Un fait que personne ne peut nier : le Commissaire aux Comptes ne peut en quelques semaines assumer la responsabilité de comptes préparés tout au long d'une année. L'exécutif au sein de l'entreprise doit assumer ses responsabilités.
Des états financiers de qualité Aux Etats - Unis, l'exécutif va au front. Le Conseil d'administration contrôle. D'ailleurs l'entreprise américaine communique non seulement pour le petit porteur, mais aussi pour le large public. « Le rapport de gestion est destiné à l'environnement », rappelle M. Mabkhout. En Tunisie, nous avons, chronologiquement, devancé la France en matière d'adaptation du système comptable aux normes internationales. Pour avoir des états financiers fiables, il faut s'assurer au préalable de l'existence d'un système comptable performant. A - t - on des comptables qualifiés ? L'entreprise dispose - t - elle d'un système de sécurité et de contrôle interne ? L'expert comptable a rappelé le cas de Batam pour s'interroger « si cette société n'était pas cotée en bourse est ce que l'affaire aurait été connue ? Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres cas comme Batam ? » Au Etats - Unis, la loi SOX vise à rendre l'information accessible, à responsabiliser les gestionnaires et à renforcer l'indépendance du Commissaire aux Comptes. Dans ce pays, la certification des comptes est faite par les dirigeants. Ces derniers doivent être très professionnels ou alors s'entourer de cadres qui le sont. En France, le président de Conseil d'Administration et de Surveillance doit déclarer les conditions dans lesquelles les comptes sont arrêtés. Les entreprises françaises internationalisées appliquent la loi américaine.
Renforcer l'indépendance du commissaire aux comptes En Tunisie, la loi est claire. Elle stipule que « les organes de direction et les chargés des affaires financières et comptables des sociétés commerciales, soumises à l'obligation de désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes inscrits au tableau de l'ordre des experts comptables de Tunisie, sont tenus de signer une déclaration annuelle présentée aux commissaires aux comptes pour attester qu'ils ont fourni les diligences nécessaires pour garantir l'exhaustivité et la conformité des états financiers à la législation comptable ». « Le plus compliqué, dira M.Abdessattar Mabkhout est l'environnement de contrôle, sinon il y aura un décalage entre la théorie et la pratique ». Sami Kallel, avocat d'affaires, affirme que « chaque pays selon sa législation, ses concepts et sa culture a défini les règles de la transparence. Les Anglo-saxons ont leur approche et les Latins la leur ». Dans tous les cas, trois axes majeurs sont présents. Il s'agit du renforcement de l'indépendance des auditeurs externes. Ils ont un rôle fondamental pour assurer la pérennité de la transparence. Le deuxième axe est le renforcement de la transparence financière en matière de divulgation de l'information. Le troisième axe touche à la gouvernance d'entreprise. « Une meilleure gouvernance de l'entreprise est l'affaire des dirigeants.
Consolider les acquis En Tunisie, dira l'avocat, « la nouvelle loi est venue consolider les acquis de la réglementation précédente. Le législateur tunisien a renforcé la responsabilité des dirigeants d'entreprises en mettant à leur charge la signature d'une déclaration annuelle aux Commissaires aux Comptes, attestant qu'ils ont fourni les diligences nécessaires». Cette nouvelle loi implique - t - elle une nouvelle responsabilité managériale ? Qui doit présenter la déclaration ? Ce sont les organes de direction, le PDG, le président du directoire, le gérant et les chargés des opérations financières et comptables. Concernant la responsabilité des dirigeants, l'avocat pense que la signature d'une déclaration de diligence constitue « une obligation de moyens et non de résultats ». Le texte étant nouveau, la jurisprudence n'a pas encore eu à traiter d'un cas pratique qui permettrait de dégager une tendance concernant la problématique de la responsabilité. De toute façon en « cas de manquement à l'obligation de faire la déclaration, le refus n'empêche pas le commissaire aux comptes de faire son travail », déclare l'avocat en ajoutant qu'une « fausse déclaration d'un chargé d'affaires financières et comptables tombe sous la coupe de la loi que ce soit celle du Code du Travail ou celle du Code des Obligations et des Contrats ». Pour l'expert comptable Abdellatif Abbès, « la loi est venue confirmer une pratique en vigueur, même si elle n'est pas généralisée ». L'attestation de diligences s'insère dans le renforcement du contrôle. C'est un rappel de la responsabilité des organes de la société. Le débat est engagé.