Des mots justes. Simples. Mais des mots qui véhiculent une saisissante effusion sentimentale quand il déclare que des lettres lui ayant été envoyées par des jeunes éveillent en lui "les plus nobles sentiments et le plus profond écho". Plus loin, dans ce discours de l'engagement à relever l'étape du défi, il ajoute: " (…) combien vives sont mon émotion et ma fierté devant l'immense confiance que notre peuple m'a témoignée". C'est une banalité que de dire que la plus simple des passions est incommunicable. D'où vient alors qu'hier, Ben Ali ait superbement transmis l'expérience d'une fonction perçue comme "distante" (comme l'aurait dit Giscard d'Estaing) "abstraite, assortie de pouvoirs jugés démesurés et de conditions de vie sans commune mesure avec celles des autres hommes"? La réponse coule de source: elle est dans la spontanéité et dans la simplicité profonde et sincère… Cette sincérité, précisément, dont le Chef de l'Etat ne s'est jamais départi et qui est, - comment dire? – son sacerdoce, sa raison d'être, son art à lui de gouverner. Mais hier le ton dont était drapé le discours-programme de Ben Ali était aussi on ne peut plus grave. Solennel, et comme dicté par une transcendance qu'impose une conjoncture délicate. Président d'un parti historique, le parti de la libération nationale, le parti de l'édification du nouvel Etat, Ben Ali rappelle encore et toujours que cette structure immense doit sa genèse aux martyrs et au leader Bourguiba. Mais il rappelle le rôle central qui est sien dans la dynamique dialectique de la vie politique et l'appelle encore à s'assumer en tant que force mobilisatrice et de catalyseur pour une vie politique plurielle. On sait que le jeu des partis politiques se nourrit de réminiscences caciques. En l'occurrence, le Chef de l'Etat maintient subtilement présent dans les esprits que "le sauvetage du parti dans la foulée du Changement du 7 Novembre, a été une partie intégrante du sauvetage de la patrie". Et il précise que le socle, la référence, partout et en tout temps reste "l'esprit de transcendance et de sacrifice qui est l'apanage de notre peuple". En cette Tunisie qui fait le patient apprentissage de la démocratie, des libertés individuelles et de la justice sociale, chacun est libre d'adhérer au parti qui répond le mieux à ses aspirations. Mais le RCD est appelé, de par son envergure et sa position historique et politique, à dynamiser encore davantage cette donne à insuffler un souffle nouveau dans la dialectique politique dans notre pays. On a lu un peu partout, ces derniers jours, dans la presse étrangère cette formule: "Le RCD parti au pouvoir". Pas une seule fois, dans son discours, ni avant d'ailleurs, le Président de la République, n'aura utilisé cette formule surannée et coercitive en ce qui concerne l'exercice du pouvoir. Les règles du scrutin font que le RCD est majoritaire au Parlement. C'est le parti que préside Ben Ali. Et d'ailleurs, il précise, avec les accents du défi serein: (…) Quant aux rumeurs qui circulent de temps à autre, concernant l'alternance à la tête du pouvoir, je tiens à rappeler, en cette circonstance, que la question est d'ores et déjà tranchée par la Constitution. Nous avons foi pour notre part, en ce principe fondamental de notre système républicain et nous considérons que la volonté du peuple est à la base de cette alternance et que la Constitution est l'arbitre décisif de tous". Parenthèse aussitôt fermée par le Chef de l'Etat. Tout d'ailleurs le rappel des événements autour du bassin minier de Gafsa. En l'occurrence, nous nous étions dit la vérité. Sans tabous. Et sans abus non plus. Si ce congrès a été placé sous l'enseigne du "Défi" c'est parce que la Tunisie positive et qu'elle a une vision prospective et futuriste. Elle ne navigue pas à vue. Car il y a encore à faire sur le chemin de la démocratie. Des libertés individuelles. De la liberté de la presse. De la justice sociale. Et surtout, surtout, dans la lutte contre le chômage, terrain de prédilection de toutes les dérives. L'essence du discours présidentiel est là. Un regard tourné vers l'avenir. Car si le Changement de 87 est un haut fait historique, eh bien, ce haut fait n'est pas demeuré figé. Le changement est de tous les jours. Il est dans l'aptitude à veiller constamment aux équilibres socio-économiques, mais aussi à savoir prévenir les chocs exogènes. Et là, nous chutons sur une formule célèbre de Théodore Roosevelt: "S'il échoue qu'au moins il échoue en osant de grandes choses, de sorte que sa place ne soit jamais parmi ces âmes froides et timides qui ne connaissent ni la victoire, ni la défaite". Or Ben Ali réussit. Dans l'intensité lucide. Et le discours d'hier engage toute une nation. Et à travers cette leçon de pouvoir et de vie, l'homme qui incarne cette nation s'y engage en premier.