Réactions au courrier des lecteurs « Tunisiens avant d'être Arabes », publié le 12 septembre 2008 « Choquant »
« J'ai lu avec beaucoup d'intérêt mais aussi d'étonnement le courrier de monsieur Fedi Ayech sur l'identité et la culture tunisienne. Les propos de l'auteur sont très choquants venant de la part d'un Tunisien qui plus est un universitaire. Choquants non tant par leur contenu très contestable d'ailleurs mais parce qu'il émane d'un Tunisien. Que des modèles occidentaux de tolérance (sic) comme Houelbecque, Bernard Lewis, Oriana Fallacci (aujourd'hui décédée), Salman Rushdie, pour ne citer que quelques unes des plumes haineuses, déversent ou déversaient leur venin envers le monde arabo-musulman, cela ne me choque plus. Mais qu'un Tunisien joue à ce petit jeu dans un journal tunisien respectable, cela me choque et m'attriste plus que tout et ce pour diverses raisons. Cela me rappelle une arabo-américaine Wafa Sultan qui est devenue experte dans l'auto- flagellation au grand bonheur de think tanks et médias très suspects qui n'ont pas manqué de récupérer ses propos. Mettre sur le même pied d'égalité des envahisseurs qui méprisaient la population locale avec les conquérants arabes qui ont diffusé le message de l'islam et qui ont propagé la langue du Coran est un grand mensonge. L'auteur oublie que ces conquérants qu'il a qualifiés d'envahisseurs ont créé plusieurs civilisations en Tunisie (à Kairouan, MahdiaTunis, etc.), en Afrique du Nord (Maroc et Andalousie) ou ailleurs (en Irak, etc.) où le plus souvent ils ont répandu un esprit de justice et d'égalité parmi les populations locales. Et ce contrairement, par exemple, aux derniers envahisseurs (sous le protectorat français) qui ont institué, parmi tant d'autres mesures, le tiers colonial, faveur salariale au profit des français résidents en Tunisie ou des Tunisiens naturalisés français. Inutile de remonter jusqu'aux romains pour relater les exactions qui ont été commises sur cette terre tunisienne par ces envahisseurs. Si la culture arabe a perduré en Tunisie, c'est parce que ces conquérants ont été les seuls à propager un message de justice et à s'être mélangés dés leur arrivée à la population locale. La motivation de leur venue n'était pas liée à un quelconque intérêt économique ou d'asservissement des indigènes. Ils sont venus pour propager leur religion dont la langue véhiculaire est l'arabe. Si le président Bourguiba (que l'auteur qualifie à juste titre de grand personnage) a insisté à l'aube de l'indépendance sur la « tunisienneté » du pays, ce n'était point en contradiction avec le caractère arabe de la Tunisie. Bourguiba a fait inscrire dans la constitution de 1959 que l'islam était la religion du pays et que l'arabe est sa langue officielle. S'il avait prononcé son célèbre « Balach ourouba » (Pas d'Arabité) devant le premier président algérien Ahmed Ben Bella, c'était pour contrer les projets unionistes mal ficelés des pro-Nasser. D'ailleurs, Bourguiba était très impliqué dans les affaires arabes, à commencer par le dossier palestinien, comme en témoigne son discours d'Ariha (Jéricho) en mars 1965. Par ailleurs, l'auteur fait fausse route en imputant nos problèmes quotidiens à cette culture arabe. Les Arabes ne constituent pas un peuple homogène. Il y'a des disparités certaines entre les pays arabes du Golfe, ceux du Moyen Orient et ceux du Maghreb. Il est facile d'imputer tous les maux de la société tunisienne aux chaînes satellitaires. Certaines de ces chaînes présentent des débats démocratiques où la contradiction est aussi présente que sur CNN ou France 2. L'auteur regrette l'époque où les jeunes tunisiens regardaient plus Rai Uno ou France 2. Sans remettre en question la valeur de ces grandes chaînes européennes, je constate que certaines chaînes arabes répondent aux standards internationaux les plus exigeants en matière de contenu (informations, débats, documentaires, etc.). Souvent, ces chaînes contestées emploient des compétences occidentales de grande valeur. Je n'ai jamais vu ces chaînes encourager la corruption, le chaos ou l'hypocrisie, pour reprendre quelques maux cités par l'auteur. Et puis, beaucoup de ces maux sont présents dans les sociétés occidentales tant admirées par l'auteur. Le fait de regarder Rai Uno ou France 2 n'a pas mis fin à la corruption, à la violence verbale ou aux abus en Italie ou en France ! Les vraies raisons des maux de la société tunisienne sont à rechercher ailleurs : démission de la famille, laxisme dans l'application des lois (sur la route, dans les stades, dans les affaires de construction anarchique, etc.), dans le rôle à jouer par le système éducatif qui n'éduque plus, dans nos médias tunisiens (et non satellitaires arabes ou occidentaux), etc. Monsieur Ayech se dit citoyen du monde. Quand on l'est, et avant d'accepter l'« Autre », il faudrait commencer par s'accepter. Et on ne peut revendiquer cette qualité si on déverse sa haine envers une partie du monde (en l'occurrence le monde arabe dans ce cas). Ce monde n'est pas parfait et souffre de beaucoup de maux. Néanmoins, la situation n'est pas fatale. Il suffit de faire un check up des vraies raisons. C'est déjà la moitié du chemin ! On peut être à la fois tunisien, arabe, méditerranéen, africain et citoyen du monde sans chercher des boucs émissaires ici et là ». Naoufel Ben Rayana Enseignant universitaire
« Amalgame entre religion et nationalisme » « Je tiens cher Monsieur à confirmer vos idées, en fait je me demande comment la Tunisie peut être arabe, je pense que nous faisons un amalgame entre religion et nationalisme alors que d'autres nations islamiques tel que le Pakistan, l'Iran, l'Indonésie et la Malaisie ne se prétendent jamais arabes mais au contraire ils tiennent à leur propre culture et identité nationale. Je crois que l'idée de culture arabe en Tunisie, est une illusion qu'on a reçue depuis notre enfance alimentée par des médias tunisiens influencés par les grands courants politiques de l'époque et actuellement par les chaînes TV arabes. Mais il suffit de partir dans un vrai pays arabe pour comprendre qu'on n'est que Tunisiens et qu'on est fiers de l'être. En effet je vis depuis quelques mois dans un pays arabe et je travaille avec des collègues de plusieurs pays arabes, je suis le seul à me sentir dépaysé. Je me retrouve dans une culture qui m'est très étrange, une culture de fermeture, de haine, d'hypocrisie, de sexisme, d'ignorance, et de malhonnêteté cachée derrière une hystérie religieuse. Alors que j'appartiens à une culture d'ouverture, d'amour, de connaissance, de respect, d'égalité entre homme et femme et avec une religion de tolérance et de modération ». Adnen Hidoussi
« Merci » « Mille milliards de merci pour ce que vous avez écrit! »