Le G20 a pour toile de fond une querelle qui n'a rien de conjoncturel, mais qui est – comment dire – "historique". Le Porte-étendard d'une Europe unie et forte, Nicolas Sarkozy remet au goût du jour la phobie américaine de De Gaulle. Pour celui-ci, il était plus important de contrer les "Yankees", que l'hégémonie soviétique qui avait pourtant partagé Berlin en deux. Les critiques indirectes de Sarkozy à l'endroit de Bush lors du sommet Union Européenne-Russie, préfiguraient déjà d'un G20 sous haute tension. En bloc, Sarkozy a fortement condamné l'unilatéralisme américain lui imputant les dérives guerrières et économiques de ces dernières années. Un jour auparavant Bush, en président encore en exercice de la première puissance mondiale, défendait le capitalisme et affirmait qu'il restait malgré tout le meilleur modèle ou, plutôt, le meilleur système. Et répondant aux accusations de déréglementation absolue du système américain il lançait des fléchettes acérées vers l'Europe, vers l'Allemagne particulièrement, affirmant ceci "de nombreux pays européens qui avaient des réglementations plus importantes ont pourtant expérimenté des problèmes presque identiques aux nôtres". Il s'agit donc d'un sérieux bras de fer entre une Europe guère disposée à payer les pots cassés et qui se rapproche étroitement de la Russie) et d'une Amérique ne reconnaissant pas sa responsabilité dans ces bulles à répétition. Sous l'impulsion de Strauss Kahn et surtout de Gordon Brown, le FMI a la prétention de devenir une espèce de banque centrale mondiale alors que les Américains – les seuls qui n'aient pas encore payé leurs redevances au Fonds – ne sont pas disposés à lui reconnaître un rôle majeur. En tous les cas au-delà des approches systématiques, il s'agit là d'un affrontement dans la sphère capitaliste de deux approches, deux perceptions de l'économie de marché. Mais le problème est également politique. Un président américain sortant – et affaibli pas uniquement parce qu'il est sortant – face à une Europe elle-même divisée par l'antagonisme Sarkozy/Merkel. L'Angleterre, elle, n'est impliquée que partiellement car que ce soit avec Brown, Blair ou Major, le legs idéologique de Madame Thatcher reste la référence essentielle: "pas d'adhésion totale à une Europe ancrée à l'Allemagne" – la puissance de Madame Merkel confirme ces réserves d'ailleurs. Et Obama? D'aucuns pensent qu'il aurait fallu attendre son investiture pour tenir ce sommet. Mais il y a urgence. Et ce qui est sûr, c'est que son ombre plane. Et si l'Europe a réchauffé ses relations avec la Russie pour s'aligner en front commun à Washington, quatre jours auparavant deux présidents américains de partis opposés, se réunissaient au Bureau Ovale. Ce ne fut pas une visite de courtoisie d'Obama à Bush. Mais c'était pour raffermir l'intérêt suprême de l'Amérique. Et lorsqu'ils affirment tous les deux qu'il n'est guère question de remettre en question le capitalisme, c'est pour rafraîchir les mémoires sur les outrances du socialisme. Car en définitive, appauvrir les riches n'est pas enrichir les pauvres.