Le football est d'abord un sport. Dans un contexte d'amateurisme ou de professionnalisme, pour s'accomplir comme sport au sens noble du terme, il faut trois conditions : le respect des règles ; le respect de l'adversaire ; le respect de soi-même. Il y a, en effet, des normes, des règlements qu'on ne peut contourner. Il y a aussi une contrainte de compétitivité, une obligation de résultat, mais la victoire se réalise sur un adversaire, mu par les mêmes contraintes : il est donc digne de respect. Et si on n'a pas de respect pour l'adversaire, on ne peut pas en avoir pour soi-même. Il suffit que l'une de ces conditions vienne à manquer pour que la symbiose recherchée avec le public et avec les supporters, devienne impossible. Le football n'y retrouve donc pas sa vocation originelle. Sa vocation ludique, en somme. On pourra rétorquer que c'est au pays du fair-play par excellence, le berceau du foot, que le hooliganisme a extériorisé ses pires outrances. Une déferlante partie de l'Angleterre et qui a finalement brassé - à un certain moment - toute l'Europe. Pas très loin de chez nous, en Italie, on assiste de temps à autre, assez souvent, en temps réel, à des actes d'ultras qui vont jusqu'à poignarder un supporter. Aussitôt des mesures drastiques sont prises pour endiguer ce que les Italiens appellent : « il tifo » (c'est-à-dire le fait d'être « tifoso », c'est dire encore, le fait d'être « supporter »). Et c'est d'autant plus compliqué que les disparités Nord/Sud et les clivages politiques et sociaux déterminent, en grande partie, le comportement et les réflexes des supporters. Il n'empêche, les Italiens ont réussi à exporter un certain modèle d'« ultras » chez nous. Des slogans italiens comme on en voit sur leurs banderoles, sont littéralement transposés (en italien) dans nos gradins. Ceux qui les arborent en connaissent-ils la signification ou , du moins, la traduction réelle ? Sous un autre angle, les fumigènes et les bouteilles ne devraient pas constituer une source de préoccupation majeure pour les forces de l'ordre. Ceux-ci connaissent bien les fauteurs « institutionnels » mais c'est la grande masse des suivistes qui pose problème. Et cela veut dire qu'il y a la donne sécuritaire mais qu'il y a aussi la donne sociologique. A-t-on brossé le portrait-type, la typologie en somme du supporter perturbateur ? C'est trop technique, scientifique, mais c'est sûr. Et dans ce cas, se dessine une espèce d' « architecture » des supporters. Dans une galerie on trouve de tout : des gens biens, des gens moins bien, des énergumènes, des chômeurs, des diplômés sans emploi, des lycéens, des fanatiques, des modérés... Imaginez une telle galerie de portraits. Qui les rend fous face à une décision arbitrale équivoque et qui est capable de les calmer ? Qui ? Quoi ? C'est trop dilué. Ce qui est sûr c'est qu'il y a deux pathologies sérieuses - et antinomiques - dans le football. Jadis, on en faisait l'opium du peuple jusqu'à ce qu'une certaine finale de Coupe de 71 entre deux clubs amis : l'Espérance et le Club Sfaxien, ne vienne montrer que la béatitude coubertienne avait fait son temps. Aujourd'hui, il verse dans l'autre pathologie : la systématisation et la banalisation de la violence. Et là, le football ne serait qu'un prétexte.