Nous venons de lire, il y a quelques jours, le courrier des lecteurs que publie une revue d'information interne relevant de la SNCFT : il contenait le compte-rendu succinct d'une seule lettre envoyée manifestement par un éducateur de Mégrine. Celui-ci y exprime selon les termes du journal sa reconnaissance à la compagnie nationale pour la qualité de ses services et pour le confort dont elle a fait bénéficier les élèves de son école pendant une de leurs excursions vers le Nord-Ouest tunisien; par la même occasion le correspondant dédie l'un de ses « poèmes » à la SNCFT. Ce qui surprend en fait beaucoup plus que la médiocrité du poème c'est surtout la faveur dont il a bénéficié auprès des responsables de la revue : n'y avait-il rien d'autres dans la boîte aux lettres de la SNCFT que ces vers complaisants qui rappellent les comptines des petits écoliers et les refrains des chorales ? Personne ne s'est plaint des mauvais services dans les trains, personne n'a écrit pour déplorer la vétusté du matériel de la société, son manque permanent de ponctualité, les portes qui ne ferment pas, les vitres brisées ou inexistantes, les toilettes malpropres, l'encombrement pendant les jours de fêtes, l'inadéquation entre le prix d'un billet « first class » et le peu de confort ressenti dans ces wagons en fin de compte « ordinaires » ? Etrange choix que celui que font quelques unes de nos administrations en occultant ce qui ne peut plus se cacher ! Les responsables de ces administrations voudraient que tout le monde les applaudisse, qu'on ne parle qu'en bien de leur personnel et de leur travail. Leur rêve c'est de se voir entourés de faux-culs qui les glorifient sans cesse et écrivent leur « hagiographie » à partir de données mensongères ou amplifiées ! Maudites soient les mauvaises langues qui pêchent en eaux troubles, bannis et même pendus soient les journalistes qui font autre chose que l'apologie des administrateurs ! Vouons aux enfers les plumes « indélicates » qui dévoilent les vérités cachées et contestent les chiffres et statistiques fournis par les agents informateurs.
Anonymat pour tous Autre déplorable pratique récurrente dans beaucoup d'administrations tunisiennes : quand un journaliste demande à certains responsables une information qu'ils peuvent sans peine ni risque lui fournir, ces derniers font semblant de ne pas la détenir ou bien exigent l'anonymat après l'avoir donnée. Ils en viennent parfois à menacer le journal d'un procès en diffamation s'il révélait l'identité de son informateur. Tout récemment, et en menant notre enquête sur l'automédication, certains interlocuteurs même parmi les plus communs des citoyens, refusèrent de nous dire leurs noms. Ils acceptèrent en revanche de déverser copieusement leur « venin » sur d'autres acteurs responsables du fléau de l'automédication. Il en est aussi qui auraient aimé rédiger eux-mêmes l'article à notre place et nous proposèrent mille ajouts et rectifications.
Ce n'est pas moi, c'est l'autre ! La vérité fait visiblement peur à tout le monde, et le courage d'assumer la responsabilité de ses actes et propos fait défaut à bon nombre d'agents bien placés pourtant pour éclairer les autres citoyens sur ce qui se passe dans leur secteur respectif. Où est la transparence tant promise et tant sollicitée ? Jusqu'aujourd'hui, chacun renvoie la balle dans le camp d'un adversaire qu'on cherche à « enfoncer » ou bien dans celui d'un supérieur à qui en fin de compte revient le droit de fournir ou pas l'information demandée. Même l'homme de la rue craint de prendre sous sa responsabilité les déclarations qu'il fait de son propre chef aux journalistes, notamment lorsque ces déclarations sont un tantinet critiques ! L'heure est pourtant à la position courageuse lorsque l'intérêt d'un secteur ou de l'ensemble du pays est en jeu. Il y va aussi de la crédibilité des journaux lesquels sont appelés à faire toute la lumière sur les travers et les abus constatés. Renonçons à la mentalité « khatini » : celle de toujours répéter « ce n'est pas moi, c'est l'autre ! » ! Il y aura plus de perdants que de gagnants dans la perpétuation d'un tel esprit !