Houla-la ! Où va-t-on ? Cette exclamation doublée d'une interrogation m'a été arrachée par la lecture d'une chronique signée par une consoeur sur les pages d'un magazine de la place. «J'ai été très marquée par les événements qui ont bouleversé l'Algérie au début des années 90. Bien plus que par les avions fous du 11 septembre», écrit la consœur en question, qui semble concevoir une échelle - ou une géographie - de la répulsion face aux horreurs du terrorisme. Comment justifier cette échelle ? Y a-t-il des actes terroristes moins choquants que d'autres ? Ecoutez bien la réponse: «Parce que ça ne me dérange pas que des tours américaines, occupées par de gentils Américains, soit percutées par de méchants pilotes qui n'ont pas su choisir entre boire ou conduire»... Je sursaute en lisant ces derniers mots... Quoi ? Ai-je bien lu ? Est-ce possible ? Comment un chroniqueur (ou une chroniqueuse, les femmes ayant d'habitude plus de cœur et de raison) peut-il se permettre de parler d'un événement aussi tragique que les attentats du 11 septembre 2001 à New York, qui ont fait tout de même quelque 3 000 morts, avec une telle désinvolture, en tout cas sans émotion fut-elle de simple bienséance, presque en s'amusant, allant jusqu'à comparer les terroristes les plus violents que l'humanité ait connus à ce jour à... quelques conducteurs éméchés du samedi soir ? Certes, ajoute la consoeur «tout acte de violence est coupable et révoltant». Elle s'empresse cependant d'effacer le zeste d'humanisme contenu dans cette petite phrase, en ajoutant, une ligne plus loin, imperturbable (ou, peut-être, inconsciente du poids de ses mots): «Mais bon, ''New York, New York'', où je ne suis encore jamais allée, c'est loin. Comme dans un film de cow-boy ou de serial killer. Par contre l'Algérie, c'est tout près et c'était entre nous, entre frères (et sœurs), disons-le». J'arrête là les citations, le reste de la chronique étant du même acabit, écœurant de fatuité intellectuelle et moralement révulsant. Car on n'a pas le droit de parler du terrorisme, des frères qui s'entretuent et des souffrances des victimes en cherchant à amuser la galerie avec des jeux de mots, des «berk », des «schlak» et des «roaaaahh...», des borborygmes qui sont sensés exprimer les bruits des balles qui sifflent et les râles que font les morts. Non, vraiment, chère consoeur, avec tout le respect que je vous dois, on ne fait pas avancer la cause de la lutte contre le terrorisme en écrivant de pareils papiers . Si la lutte contre le terrorisme était vraiment votre intention de départ, comme votre papier le laisse entendre, sachez, madame, que c'est «Raté !», pour reprendre votre titre. Cela dit, les «ratages», quels qu'ils soient, peuvent toujours être réparés.