Si d'habitude, on tâche toujours consciemment, de joindre l'utile à l'agréable, il est aussi vrai qu'il arrive même aux plus lucides d'ajouter l'irrationnel au plus sensé. Ceci dit, il ne faut pas croire que dans un domaine comme le football où tout ou presque se joue sur la différence des valeurs avec, certes, un pourcentage d'impondérables parfois décisif, que la superstition, phénomène on ne peut plus irrationnel, ne tient pas une place de choix dans notre comportement. Il ne faut pas, non plus croire, que ceux qui s'en défendent sont les plus épargnés. Sur la toile, cette semaine, la FIFA a inauguré justement une série d'articles liés au phénomène de la superstition. S'agissant de clubs prestigieux et d'hommes réputés scientifiques, la chose semble dépasser l'imagination. Si par exemple, Bilardo, l'ancien entraîneur de l'équipe d'Argentine, interdisait à ses joueurs de manger du poulet, ce n'est pas par souci de diététique mais parce qu'il croit fermement que ce volatile est porteur de malheur. Or cet autre technicien qui, convaincu que les fleurs sont porteuses de maléfice, il fait tout le jour du match pour les éviter. Ce qui incite évidemment les supporters de l'adversaire de lui en jeter par bouquets entiers. Devant ces croyances presqu'irréelles nos propres pratiques semblent désuètes ou plus réfléchies. Ce qui me pousse à ne plus sourire quand deux équipes de chez nous se disputent à propos d'un certain banc de touche ou quand un président de club revêt la même veste censée garantir à son équipe le succès. Sages et sensées nos pratiques, qui sans aller, comme dans la Grèce antique, requérir les dieux vengeurs, ne de daignent pas de faire appel, avec force promesses d'offrande, au Saint Patron du coin. Pourquoi alors, dans cette fin de saison si indécise, nous perdre en vaines supputations technico-tactiques sans fin, quand il suffit de faire adopter nos comportements selon le sens que nous dicte la superstition. A condition toutefois de savoir accepter le sort contraire si après que la valeur nous ait trahis, l'irrationnel nous fait défaut.