Nous sommes à la chambre criminelle près de la Cour d'appel de Tunis. La salle d'audience est archicomble. Les yeux hagards, l'accusé se tenait au box. Il est inculpé de coups et blessures ayant entraîné une incapacité plus de 20%. Issu d'une famille pauvre il n'avait jamais mis les pieds à l'école. Analphabète, il est resté chez lui, sans la moindre activité, durant toute son adolescence. De fil en aiguille, il est devenu journalier chez un boucher dans son pays natal, et a commencé à subvenir aux besoins de ses parents. Puis, il s'est marié. Une année plus tard, la naissance d'un enfant égaya le foyer conjugal. Au fil du temps, la vie pour le père était devenue très difficile, il ne pouvait plus répondre aux besoins de ses parents et même à ceux de son propre foyer. Il décida alors de quitter son pays natal à la recherche d'un emploi à la capitale qui lui permettra de gagner un salaire digne. Il a emballé ses affaires et s'est dirigé vers la ville de Tunis. Il a rejoint son cousin qui y demeurait depuis belle lurette. Après quelques mois de chômage, il a fini par être recruté dans un chantier de construction. Mais tout a basculé en une seconde. Il a été impliqué dans une affaire de tentative de meurtre. Depuis qu'il est arrivé à ce chantier de construction, il a entretenu une relation amicale avec, un jeune homme, de vingt-huit ans, marié et père de trois enfants. Ils passaient ensemble tous les moments de repos. Mais tout d'un coup, un malentendu est venu mettre en danger leur amitié. Ils étaient dans une chambre qu'ils louaient ensemble et dînaient quand l'accusé alluma une cigarette. Son ami lui en a demandé une. Mais l'accusé refusa « Tu me la demandes à chaque fois que je commence à fumer. Il faut que tu en achètes si tu veux fumer », lui dit-t-il C'était la goutte qui fit déborder le vase, et la phrase qui a mis le jeune ami hors de lui. Il s'est permis même d'injurier l'accusé, qui dans un premier temps n'a pas réagi. Bouche bée, il gardait toujours le silence. Mais l'ami continuait à l'injurier. Ayant à un moment donné perdu son self contrôle, et au paroxysme de la colère il se saisit d'un couteau qui traînait sur une table et porta deux coups à la victime, dont l'un au niveau de la poitrine. Calmé et revenu à lui, l'agresseur transporta la victime en urgences qui a été sauvée in extremis, d'une mort certaine. Une enquête fut ouverte, et l'auteur des faits a été arrêté. Il a été condamné à six ans de prison ferme. Lequel jugement a fait l'objet d'un recours en appel et l'accusé a comparu devant la cour pour réitérer ses déclarations, affirmant qu'il n'avait pas l'intention de blesser la victime faisant part de ses regrets. L'affaire a été mise en délibéré.