Le Temps-Agences - Le bras de fer franco-allemand sur l'arbitrage entre énergies renouvelables et nucléaire a fait planer hier une ombre sur les débats du Conseil européen de Bruxelles, où sera aussi rouvert le débat sur les institutions. Mais les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE devraient, selon des diplomates, insister sur l'importance des décisions prises en matière énergétique pour ce qui sera la dernière rencontre formelle entre Jacques Chirac et ses homologues. Les acquis politiques des dernières semaines de négociation sont en effet les plus importants obtenus depuis les "non" français et néerlandais à la Constitution européenne en 2005. L'UE se fixera pour objectif de réduire de 20% au moins en 2020 par rapport à son niveau de 1990 la production de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique et ira jusqu'à 30% si les pays industrialisés font de même. Elle rendra également obligatoire à cet horizon l'incorporation d'au moins 10% de biocarburants dans les carburants utilisés par les voitures automobiles. La chancelière allemande Angela Merkel a insisté hier pour que l'on fixe en outre un objectif contraignant de 20% d'énergies renouvelables - solaire, éolien ou biomasse - à atteindre d'ici à 2020. Une quinzaine de pays la suivent. Pour elle, comme pour les pays en pointe dans les énergies renouvelables, notamment la Suède ou le Danemark, il faut des objectifs contraignants pour inciter les industriels à produire en masse des équipements afin de réduire le coût de production. Mais la France et de nombreux pays de l'Est rejettent une politique qu'ils jugent irréaliste et veulent que soit reconnue la contribution du nucléaire, qui produit peu de CO2, à la lutte contre le réchauffement climatique. Si les industriels allemands ont souhaité des objectifs contraignants pour planifier les investissements, le "patron des patrons" européens, Ernest-Antoine Seillière, n'a pas craint d'afficher son scepticisme hier aux côtés de la chancelière. "Personne n'a la moindre idée de ce que les coûts peuvent représenter, que ce soit les coûts sociaux ou économiques", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse commune avant de se faire vertement rabrouer par la dirigeante allemande. Les responsables de l'actuelle présidence de l'UE reconnaissent que, face à ces deux blocs, il sera impossible d'avancer vers une formulation précise. Un objectif souhaitable de 20% devrait dès lors être fixé au niveau européen, mais certains Etats pourront faire plus et d'autres moins en fonction de leur potentiel "renouvelable". C'est sur cette base que Merkel devra présenter lors du Conseil européen de juin une "feuille de route" afin de trouver une solution à l'impasse avant la fin de 2008.