Déroutante, cette déclaration accordée par Hamdi Meddeb à Assabah : « Je m'en vais », dit-il. Hier, au parc B, ses plus proches collaborateurs dont Faouzi Benzarti, en étaient sidérés. Abattus même. Et Benzarti a même dû tenir un long speach rassérénant pour ses joueurs. Mais à bien y réfléchir, cela ne devrait pas surprendre outre mesure. Espérantiste dans ses gênes et jusqu'à la moelle épinière, Hamdi Meddeb n'a jamais eu à devoir prouver quoi que soit, pas plus qu'il n'ait fait preuve d'exubérance lorsqu'il soutenait financièrement le club des temps de ses prédécesseurs. C'est l'homme qui a le plus porté la main au portefeuille depuis très longtemps. Et il le faisait en toute discrétion. En toute humilité.
Un homme seul...
Or, le passage de statut de supporter – efficace, passionné mais en retrait - à celui de président du club où dominent les passions exacerbées, les conflits de notoriété, l'instrumentalisation affective, a fait qu'il s'est retrouvé seul. Son mode de fonctionnement de manager à la tête d'un important holding contraste avec la tendance à la personnification arrogante qu'on exige des présidents des grands clubs. Lui, dans cette casaque, il est mal à l'aise. Autant il se passionne pour une victoire – frisant même le chauvinisme – autant il tend la main pour que se forme la sainte alliance autour du club, pour que tous se sentent impliqués. Dans les longues discussions avec lui, à son investiture et les quelques interviews qu'il nous a accordées il se voulait un homme de consensus, et non un homme de rupture. Sous-estimait-il les antagonismes tenaces dans les sphères du club ? Les conflits de succession et les déterminismes de ceux qui se proclament d'une légitimité historique ? En tous les cas il n'a jamais jeté l'anathème sur qui que ce soit. Mais déjà, dès le début, il aura vite fait de réaliser qu'il se retrouverait seul ; qu'il se battrait contre des moulins à vent. Car, autant il peut paraître sociable, autant il reste jalousement introverti ; très peu porté sur la communication – « un tort » disent certains, « une vertu » rétorquent les autres -. Le fait est qu'il savait où aller. Et il savait surtout que la reconstruction de l'Espérance supposait une importante mobilisation de fonds qu'il s'est retrouvé seul à assurer avec Tarek Bouchammaoui, selon sa déclaration à Assabah.
Les « notables »
Par ricochet, il juge que les autres ne sont là que pour les grandes fêtes. (C'est ce qu'il déclare à Assabah). Dans l'effervescence et l'indicible ivresse des conquêtes, il juge peut-être qu'on lui prend quelque chose qui est à lui, qu'il a créé, lui... Un zeste de paranoïa ? Sans doute pas, mais un repli sur soi, car il juge que personne, en dehors de lui et du public, n'a le droit de revendiquer le succès. Dans sa logique, seuls ceux qui ont sacrifié quelque chose pour le club, sont légitimes. Le problème c'est qu'il réfléchit beaucoup avec son cœur. Pour gérer l'Espérance il faut prendre ses distances autant de la candeur des anges que de la fascination du diable. Sociologiquement, l'Espérance est cette « Dame » qu'on chérit et dont on tombe maladivement amoureux. Et pour la vie. Mais, tout autour, se déploient les trafics d'influence, le télescopage d'intérêts, tant et si mal qu'elle se retrouve instrumentalisée par les courtisans, les opportunistes et les thuriféraires.
Humeurs et états d'âme
Sans doute, Hamdi Meddeb en a-t-il marre de devoir gérer les humeurs et les états d'âme. Or, c'est cela le président de l'Espérance : s'il n'a pas d'ennemis, cela ne veut pas dire que tous ses amis l'adorent. Il est donc au milieu de l'éternel tumulte des antagonismes. Et c'est là le côté exaltant de l'Espérance. Aujourd'hui, tel que se présentent les choses, aucun supporter espérantiste n'acceptera que Meddeb parte. Il n'y a même pas de solution de rechange. Il est sûr qu'une fois surmonté ce coup de « blues », le président de l'Espérance se résignera à continuer de faire ce qu'il fait, cessant au passage de se faire des illusions : tout lui retombe sur les épaules. Et c'est son destin...